À mesure que l'église et le MCC travaillent de concert la paix s’installe à Kikwit

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A woman with her arm raised in a church building

Légende ci-dessus : Contrainte de fuir la violence dans la région du Kasaï en République démocratique du Congo, Euphrasie Minzambi, 38 ans, loue le Seigneur à la paroisse de Kimpwanza Kikongophone, une église des frères mennonites à Kikwit, une ville refuge pour des milliers de personnes. Justin Makangara/MCC/Fairpicture

Depuis l’arrivée de survivants ayant fui les combats brutaux dans la région du Kasaï, en République démocratique du Congo en 2017, l'Église des frères mennonites à Kikwit apporte son aide aux déplacés avec foi et action.

Ces survivants sont arrivés souffrant de brûlures, de blessures de machettes ou avec des bébés sur le point de naître. Ils étaient épuisés par des semaines ou des mois de marche depuis diverses régions de la province voisine du Kasaï, sans nourriture ni eau suffisantes. Témoins du massacre de membres de leur famille et de leurs voisins, ils apportaient avec eux des blessures émotionnelles.

La Communauté des Eglises de frères mennonites au Congo (la CEFMC), basée à Kikwit, a reconnu leur besoin. Des personnes ont répondu à l'appel et les ont accueilli chez elles et ont pourvu à leurs besoins en vêtements et en nourriture. Le personnel hospitalier de la CEFMC a fourni des soins médicaux et leurs églises sont devenues des abris temporaires.

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A group of people sitting on the ground
Ce groupe de déplacés arrivés à Kikwit en 2017 participe à une évaluation des besoins. Photo MCC/Eulalie Benza (2017)

Cependant, les besoins dépassaient les moyens dont disposait la CEFMC seule. Le MCC, grâce au premier appui financier provenant d'organismes anabaptistes mondiaux, puis de la Banque canadienne de grains et des donateurs du MCC, accompagne la CEFMC. Ensemble, les membres du comité local apportent aux déplacés les moyens d'établir une nouvelle vie à Kikwit.

L'Église est appelée à répondre aux besoins holistiques de ses membres, explique Antoine Kimbila, secrétaire général de la CEFMC. Lorsqu’on répond aux besoins spirituels et physiques d'une personne, elle est plus susceptible de connaître la paix.

« La paix est synonyme de shalom. Quand nous disons shalom en hébreu, c'est le salut qui englobe tous les aspects de l’être humain, » déclare-t-il. « Ce que vous (le MCC) nous apportez dans la communauté sous forme de projets... lorsque ces projets sont associés à la parole du Christ, ils apportent la paix à l'humanité. »

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Antoine Kimbila, secrétaire général de la CEFMC en République démocratique du Congo, prend la parole lors d'un culte à la paroisse Kikongophone Kimpwanza en février. Justin Makangara/MCC/Fairpicture

Toutefois, la paix ne s'est pas installée tout de suite à Kikwit. L'arrivée de déplacés dans la communauté a provoqué des conflits, explique Jacqueline Kafuti, la première ancienne de la CEFMC à accueillir des gens chez elle. D'autres voisins ont fait de même, dit-elle, mais certains ont repoussé les nouveaux arrivants à cause de leurs ressources limitées.

En outre, certains déplacés ont mal agi en raison des traumatismes qu'ils ont subis, explique Kufutama Kafaire, membre du comité local de la CEFMC qui s'occupe des finances.

« Quelqu'un qui fuit, qui est déplacé à cause de la guerre, est perturbé dans sa tête. On dirait que la guerre le poursuit partout, » déclare Kufutama Kafaire.

L’égalité d’accès à l’éducation est l'un des moyens que la CEFMC utilise pour renforcer les liens entre les nouveaux arrivés et les anciens habitants. L'attribution de fournitures scolaires aux élèves de l'école primaire et le paiement des frais de scolarité dans le secondaire ont permis d'alléger le fardeau des familles d'accueil. La CEFMC a également dispensé une formation sur le traumatisme aux enseignants.

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Colette Koy Mazau, enseignante de 6e à l'Institut Malwanu de Kanzombi, un quartier de Kikwit, se tient à côté d’Angele Kingenzi, une de ses élèves. Justin Makangara/MCC/Fairpicture

Colette Koy Mazao, dont la classe de 6e a doublé avec l'arrivée des enfants déplacés, explique qu'elle a eu du mal au début parce que les nouveaux s'isolaient au fond de la classe et ne parlaient ni la langue locale, le kikongo, ni la langue académique, le français.

Certains enfants déplacés avaient des comportements violents. Il arrivait que d'autres pleuraient lorsqu'elle les interrogeait. Lorsqu'elle leur demandait pourquoi, ils lui répondaient : « Nous pensons à ce que nous avons vécu. »

Grâce à la formation, Mme Mazao et d'autres enseignants ont appris l'importance de mélanger les élèves dans la salle de classe, au lieu de les laisser s'asseoir dans des groupes séparés. Les enseignants ont organisé des activités extérieures de manière à ce que les élèves des deux groupes fassent partie des mêmes équipes.

En classe, Mme Mazao explique qu'elle a appris à prêter davantage attention aux besoins émotionnels des enfants déplacés en les attirant à l'écart lorsqu'ils ont l'air contrariés. Si un élève est souvent absent ou malade, elle rend visite à sa famille pour voir s'il y a un problème qu'elle peut aider à résoudre.

Mme Mazao a également appris à être moins sérieuse en classe et à plaisanter avec les enfants. « Cela a aidé non seulement les enfants déplacés, mais aussi tous les élèves à vivre en paix avec tous. »

Elle est heureuse que l'un des enfants déplacés soit le premier de la classe sur le plan scolaire cette année. Il l'aide également à surveiller le comportement en classe lorsqu'elle est absente.

« Les choses n’ont pas changé si vite, » explique Mme Mazao. « Nous avons travaillé de manière progressive. Maintenant, nous constatons des améliorations. »

A l'hôpital de la CEFMC de Kanzombi, le personnel a initialement eu du mal à gérer le comportement des déplacés. Le Dr Jacques Tangudiki, membre du comité local de la CEFMC et responsable des soins de santé, a déclaré que les déplacés exigeaient d'être traitées en priorité et avaient tendance à être violents et à ne pas se plier aux traitements. Cela a créé des tensions entre les infirmières et les patients.

« Imaginez que votre père ait été assassiné devant vous, que votre mère ait été violée devant vous. Ils vivaient avec tous ces traumatismes, » explique Tangudiki. « Parfois, ils exprimaient leur colère alors que rien ne semblait la justifier. »

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Esperance Milonga Mawusa, assistante en pharmacie, donne gratuitement des médicaments contre le paludisme à Angele Kingenzi à l'hôpital secondaire de Kanzombi.Justin Makangara/MCC/Fairpicture

Tangudiki explique que les infirmières ont appris à comprendre cette réaction post-traumatique et à aider les gens à gérer leurs émotions grâce à la formation sur le traumatisme dispensée par le MCC. L'hôpital fournit également des soins de base gratuits aux déplacés, y compris des mesures de prévention des maladies et des médicaments pour les maladies courantes, telles que le paludisme et les maladies transmises par l'eau.

Par ailleurs, en forant deux puits, la CEFMC a travaillé avec le MCC à la réduction du taux de maladies hydriques qui provoquaient des nausées, des vomissements et des diarrhées. L'eau potable provenant d'un puits foré à Kanzombi en 2021 a permis de réduire le traitement à l’hôpital des maladies hydriques de 38 % à 9 %, indique Tangudiki.

L'eau propre a amélioré la santé de milliers de personnes à Kikwit. Elle a également permis de réduire les bagarres fréquentes aux sources éloignées où les gens avaient l'habitude de s'approvisionner en eau, même si celle-ci n'était pas potable. Les jeunes, dont les parents exigeaient qu'ils aillent chercher de l'eau plusieurs fois par jour, se battaient pour savoir qui aurait accès le premier à l'unique conduite d'eau.

Maintenant que les puits sont situés près des lieux de vie, les adultes peuvent s'approvisionner en eau tout au long de la journée. Ils ont le temps d'aller chercher de l'eau et de travailler ensemble dans les champs que la CEFMC a fournis aux déplacés les plus vulnérables et à leurs familles d'accueil.

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Bénédicte Masamba remplit le récipient de Kabandi Regine d'eau potable sous le regard de Jacqueline Kafuti. Le puits a été foré par la CEFMC avec le soutien du MCC. Justin Makangara MCC/Fairpicture

« Sans eau, il n'y a pas de vie, » déclare Kimbila. « Les gens ont besoin d'eau dans leur corps. L'eau propre aide à traiter les maladies, l'éducation aide les gens à comprendre le monde et l'agriculture les aide à se nourrir. Tous ces projets ont donc besoin d'eau pour la survie des humains. »

Il a comparé le travail holistique de la CEFMC aux personnes affamées et fatiguées qui écoutaient Jésus prêcher. Jésus les a nourris en distribuant le poisson et le pain d'un garçon.

« Cet homme (Jésus) est venu, non seulement pour sauver l'âme, mais aussi le corps. Le salut est global et le salut est holistique. Dieu prend soin de nous, non seulement sur le plan spirituel, mais aussi sur le plan physique. C'est pourquoi, en tant qu'Église, nous travaillons avec des partenaires pour sauver les gens de manière holistique ». Il ajoute : « Il est difficile d'amener quelqu'un qui a faim à la paix. »

Dans la ville de Tshikapa, qui se trouve à 10 heures de route de Kikwit, la Communauté Mennonite au Congo (CMCo) met en œuvre des projets similaires à ceux de la CEFMC. La Communauté Evangélique Mennonite (CEM) à Kabwela a également mené des projets avec le MCC au cours des deux ou trois premières années qui ont suivi les massacres du Kasaï.

Les relations autrefois tendues entre les églises et aussi avec le MCC ont été résolues au fur et à mesure que les groupes travaillaient ensemble pour répondre aux besoins des déplacés et de leurs hôtes. Grâce à la formation offerte par le MCC et aux compétences de l'ancien représentant, Mulanda Juma en matière de résolution des conflits, les comités locaux de chaque confession sont équipés pour répondre aux crises.

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Qu'il s'agisse de désaccords familiaux ou de conflits communautaires, les participantes à la salle de crise pour femmes (Women Situation Room) s'impliquent activement pour aider les gens à rétablir les relations. Elles se servent de la formation transmise par la CEFMC et le MCC.Justin Makangara/MCC/Fairpicture

Des femmes de la CMCo et de la CEFMC ont également suivi une formation commune pour créer des salles de crise pour les femmes. Grâce à ces organismes locaux, les femmes appliquent les compétences qu'elles ont acquises en matière de consolidation de la paix pour résoudre les conflits au sein de leur famille, de leurs amis et de leur communauté.

Grâce à tout ce travail de consolidation de la paix, humanitaire et spirituel, les déplacés s'installent progressivement dans la vie à Kikwit.

« À leur arrivée, il leur manquait beaucoup de choses, mais aujourd'hui ils éprouvent de la joie avant tout, car beaucoup d'entre eux sont devenus membres de notre église, ce qui est un grand pas en avant », explique Kimbila. « Du fait qu'ils se tiennent à nos côtés, ils sentent qu'il y a des gens qui les aiment, avec qui ils peuvent vivre. »