Partager la paix avec les voisins de Gaza au milieu de la dévastation
Une Palestinienne remporte le Prix mondial du bâtisseur de paix Michael J. Sharp 2025, décerné par le MCC

Rifqa Al-Hamalawi rentrait un jour de son travail à Gaza lorsqu'elle a remarqué une famille allongée dans le sable, recouverte seulement d'une couverture. Elle avait l'habitude de voir des personnes vivant dans des tentes et des habitations de fortune depuis l'invasion de Gaza par l'armée israélienne en 2023, mais cette famille semblait particulièrement vulnérable.
Lorsqu’elle s’est arrêtée pour leur parler, elle a appris que, quelques mois plus tôt, la mère, le père et leurs deux enfants se trouvaient dans une charrette tirée par un âne lorsqu’elle a été frappée par un missile.
Les deux jambes du père* ont dû être amputées. Bien que leur fille ait survécu, la mère a été profondément traumatisée parce que son fils en bas âge lui est tombé des bras lors de l’attaque au missile et est mort sur le coup. Dans la cohue, elle n’a pas pu récupérer le corps de son enfant pour l’enterrer.
Al-Hamalawi, directrice et fondatrice d’Al-Najd Developmental Forum, une organisation humanitaire partenaire du MCC, leur a donné un peu d’argent ce jour-là et a promis de revenir. Le lendemain, elle et son équipe ont apporté des matelas, des couvertures et de la nourriture, puis ont installé une tente pour la famille. Al-Najd continue de soutenir cette famille en lui fournissant des articles lorsque c’est possible, mais surtout en offrant un soutien émotionnel à la mère.
« Nous lui parlons, nous essayons de la réconforter, nous prenons de ses nouvelles et nous voyons comment nous pouvons l’aider. Si elle a besoin de quoi que ce soit, nous sommes là pour l’écouter », explique Al-Hamalawi. « Nous lui offrons également un soutien émotionnel, en lui rappelant que Dieu a de meilleures choses en réserve pour elle et qu’elle a toujours une belle fille à ses côtés. »
Pour Mme Al-Hamalawi, c’est à cela que ressemble le rôle de bâtisseuse de paix à Gaza pendant les bombardements incessants et les blocus imposés par Israël sur la nourriture et les fournitures dont la population a un besoin urgent. Bien qu’elle ait elle-même vécu la guerre, elle persiste à faire tout ce qu’elle peut pour soulager les souffrances des personnes qui l’entourent.
*À l’exception d’Al-Hamalawi, aucun nom des personnes photographiées à Gaza n’est mentionné dans cet article.
Remise du prix de la paix
Pour honorer son travail, le MCC a décerné à Al-Hamalawi le Prix mondial du bâtisseur de paix Michael J. Sharp 2025. Ce prix est remis chaque année à une personne ou à une organisation qui incarne l’engagement du MCC en faveur de la paix et de la justice dans le monde. Michael J. Sharp, ancien membre du personnel du MCC, a consacré sa vie à la consolidation de la paix en République démocratique du Congo.
« L’instinct humain le plus fondamental en période d’horreur est l’autopréservation, soit l’utilisation de tous les moyens disponibles pour se protéger », explique Seth Malone qui, avec son épouse Sarah Funkhouser, est représentant du MCC pour la Jordanie, la Palestine et Israël.
« Mais Rifqa, elle, s’est élevée au-dessus de la peur et de l’égoïsme, choisissant de servir ses voisins accablés par une violence immense. Sa résilience et sa force, malgré le danger qu’elle court, sont une véritable source d’inspiration. »
Servir dans le danger
Le danger auquel Mme Al-Hamalawi et son personnel font face est apparu clairement lors d’une entrevue vidéo réalisée le 2 septembre avec le MCC depuis la ville de Gaza. Mme Al-Hamalawi parlait de consolidation de la paix et de son travail lorsqu’elle a soudain tressailli et porté la main à son oreille droite.
« Un missile est tombé à proximité », a-t-elle dit, avant de s’arrêter pour écouter, puis de poursuivre la conversation.
« Je n’ai pas peur pour moi », dit Al-Hamalawi. « Je pense aux victimes des missiles et des bombardements. Vont-elles mourir? Seront-elles blessées ou amputées? Qui est décédé? Toute une famille? Des personnes en particulier? Des enfants? J’espère que la frappe n’a fait aucune victime, mais il n’y a jamais de frappe sans victimes. »
Elle a entendu le bruit des ambulances devant sa porte, un signe pour elle que des personnes avaient été blessées ou tuées.
Alors qu’Israël se préparait à prendre la ville, ce n’était qu’une attaque parmi tant d’autres. « Ce n’est pas seulement jour après jour, heure après heure — mais toutes les dix minutes », dit-elle. « C’est 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Que pouvons-nous faire? »
Répondre aux besoins
Continuer. C’est ce qu’elle et l’équipe d’Al-Najd font.
Depuis le début de l’invasion en octobre 2023, elle et son équipe ont distribué une forme ou une autre d’aide humanitaire — paniers de nourriture, literie, matériel d’abri, vêtements et bonbonnes de gaz de cuisson — à plus de 73 000 personnes.

Mme Al-Hamalawi et son équipe ont persévéré malgré les décès survenus dans leurs familles, les blessures qu’ils ont subies et les déplacements forcés à de multiples reprises. Chaque fois que la violence les contraint à quitter leur foyer, ils se regroupent et vont à la rencontre des personnes autour d’eux afin d’identifier celles dont les besoins sont les plus grands.
Quelques jours après le début de l’invasion, se souvient M. Funkhouser, l’équipe du MCC en Palestine et en Israël a communiqué avec ses partenaires à Gaza. La première chose qu’Al-Hamalawi leur a dite fut : « Pouvez-vous nous aider à aider ? ». Mme Funkhouser raconte qu’elle n’en revenait pas de constater qu’en dépit de tout ce qui se passait autour d’eux, le personnel d’Al-Najd se concentrait déjà sur la meilleure façon de soutenir leurs voisins.
Le MCC a promis le financement, Al-Hamalawi a acheté de la literie et de la nourriture d’urgence, et son personnel les a distribuées aux personnes des environs qui avaient été déplacées ou avaient perdu leur foyer.

Au cours des deux dernières années, Israël a fortement restreint l’entrée de nourriture et de fournitures que les groupes humanitaires pouvaient acheminer à Gaza. Comme les approvisionnements locaux devenaient plus rares et plus coûteux, elle a persévéré à chercher les articles dont les familles avaient besoin. Rien que cette année, elle a pu trouver et acheter des cuisinières à gaz, des vêtements et des chaussures pour enfants ainsi que des légumes frais à distribuer.
« Je vais de marchand en marchand pour trouver les meilleurs produits et négocier les prix », explique-t-elle. « Je préfère m’en charger personnellement afin de ne pas exposer mon équipe à des risques. Je sors donc avec un chauffeur et je fais la tournée. J’analyse également la situation du pays, les fournitures disponibles et, en fonction de cela, je décide quand et quoi acheter. »
Renforcer l'autonomie des femmes
Mme Al-Hamalawi est née et a grandi à Gaza. Sa compassion et son désir d’aider les autres, en particulier les femmes, sont issus de son expérience de jeune femme divorcée. Même si la stigmatisation culturelle l’incitait à rester à la maison dans la honte, son père l’a encouragée à trouver du travail. Grâce à son diplôme en administration des affaires, Mme Al-Hamalawi a travaillé tout au long des années 1990 et durant la décennie suivante pour des organisations vouées à l’autonomisation des femmes.
En 2007, elle a fondé l’Al-Najd Developmental Forum, une organisation qui offre des possibilités d’emploi et des projets générateurs de revenus pour les femmes, notamment la confection de pâtisseries et la couture. Avec le soutien du MCC, Al-Najd a fourni des lapins ainsi que de l’information sur leur élevage afin que les femmes puissent les élever et les vendre pour en tirer un revenu.

Grâce à la formation et aux projets, dit-elle, les femmes deviennent plus indépendantes, ce qui les aide à se sentir mieux sur le plan mental, à être plus actives, à sortir davantage en public et à soutenir leurs familles.
Après les frappes militaires israéliennes précédentes à Gaza, notamment en 2021 et en 2014, Al-Najd s’est également associée au MCC pour distribuer de la nourriture et réparer des maisons. Et, depuis 2023, offrir une aide d’urgence chaque fois que cela est possible demeure un objectif constant pour Al-Hamalawi et son équipe.
« Notre mission depuis toujours est d’aider les gens : offrir de l’aide, qu’il s’agisse de secours d’urgence, de projets de développement, de soutien médical ou de soutien psychosocial », explique-t-elle. « C’est la mission d’Al-Najd, et nous ne reculons pas, surtout maintenant, alors que les gens ont plus que jamais besoin de nous. »
Lutter contre la douleur
Mme Al-Hamalawi reconnaît que son travail est épuisant. « Je suis fatiguée de cette situation, et elle peut être dévastatrice », dit-elle. Au cours de la semaine qui a suivi son entrevue avec le MCC, début septembre, sa maison à Gaza a été bombardée, l’obligeant à se reloger. Ce n’était pas la première fois qu’elle était déplacée.
Au début de la guerre, sa maison et celles de ses six frères ont été détruites. Sa sœur, sa belle-sœur et son neveu, ainsi que de 25 à 30 membres de sa famille élargie, ont été tués.

« Même lorsque la réalité est très dure, je dépasse ma propre douleur pour offrir aux gens une étincelle d’espoir à travers un soutien émotionnel », dit-elle. « Bien sûr, il y a des moments de faiblesse, mais je dois rester forte pour mon peuple, parce qu’ils comptent sur moi pour trouver de l’espoir et de la positivité. Mais honnêtement, il m’arrive aussi d’avoir besoin de quelqu’un pour me donner cet espoir et cette force. »
Elle dit puiser cette force dans sa dépendance envers Dieu et dans sa foi qu’un jour la souffrance prendra fin. Elle se sent la plus heureuse et la plus en paix, ajoute-t-elle, lorsqu’elle accompagne son équipe pour distribuer des fournitures, comme lors d’une récente distribution de vêtements et de chaussures pour enfants.
« Bien sûr, je ressens une paix intérieure parce que je vois le bonheur sur le visage des enfants », explique Mme Al-Hamalawi. « J’étais heureuse parce qu’ils étaient heureux. J’étais extrêmement émue de les voir courir partout, vêtus de nouveaux habits et en profiter. Cela m’a remplie d’une immense joie. »
Elle est également encouragée par le Prix de la consolidation de la paix.
« Cela signifie beaucoup pour moi », dit Al-Hamalawi. « Cela a montré que mes efforts ont été reconnus et qu’ils ont abouti à quelque chose de porteur de sens, que mon travail a vraiment compté. En fin de compte, j’ai reçu quelque chose qui m’a apporté un profond bonheur, m’a donné de la force et a élevé mon esprit pour continuer le travail que je fais. »
Légende de la photo du haut : Rifqa Al-Hamalawi, directrice et fondatrice de l’Al-Najd Developmental Forum, écoute attentivement une femme qu’elle a visitée près de la ville de Gaza, début septembre. Al-Najd/Mahmoud Miqdad
Prix mondial du bâtisseur de paix Michael J. Sharp

Le prix Michael J. Sharp Global Peacemaker Award a été créé en 2023 en l’honneur de Michael J. Sharp, qui s’était engagé dans la consolidation de la paix. Encadré par des dirigeants locaux, il a travaillé avec des partenaires du MCC pour encourager les groupes armés en République démocratique du Congo à désarmer et a aidé leurs membres à réintégrer la vie civile au cours de son mandat de 2012 à 2015. Alors qu’il travaillait pour les Nations Unies en 2017 afin de vérifier les violations des droits de la personne dans la province du Kasaï, Sharp, âgé de 34 ans, et sa collègue Zaida Catalán ont été exécutés par des assaillants non identifiés
L’engagement de Sharp envers la consolidation de la paix a été inspiré par de nombreuses personnes dévouées à la paix qui l’ont précédé et il est partagé par bien d’autres qui consacrent aujourd’hui leur vie à bâtir la paix. Ce prix reconnaît les bâtisseurs de paix qui incarnent l’engagement du MCC en faveur de la paix et de la justice dans plus de 40 pays où l’organisation mène ses activités d’aide humanitaire, de développement et de consolidation de la paix.
Plaider maintenant
Le MCC continue de plaider auprès des gouvernements canadien et américain pour un accord de cessez-le-feu permanent, y compris en exhortant à la fourniture, si désespérément nécessaire, d’une aide humanitaire à Gaza. Vous pouvez découvrir comment faire entendre votre voix en parcourant les pages à droite.
Le bureau du MCC auprès des Nations Unies s’engage auprès des missions de l’ONU et participe aux consultations de la société civile au siège de l’ONU afin de faire entendre la voix de nos partenaires, comme Rifqa Al-Hamalawi. Des appels à l’action récents liés à l’ONU sont disponibles ici.
Soutenir la consolidation de la paix
Avec la montée des conflits, les compétences en consolidation de la paix sont essentielles.