Une mentalité de sage-femme au lieu de la loi du plus fort
Ce que les partenaires du MCC à Gaza ont à nous dire
After more than a year of relentless assault on the Gaza Strip by the Israeli army, voices are rising from within Israeli society itself to demand a different approach in the relationship between Palestine and Israel.
Far from the bombs, Montreal’s churches that support MCC are also concerned about the disproportionate military response to the Hamas-led attacks launched on October 7, 2023. Taking advantage of a several-week tour in Washington D.C., New York, and Ottawa, MCC representatives in Jordan, Palestine and Israel, Seth Malone and Sarah Funkhouser, stopped in Montreal for one day on a chilly, sunny Monday in October 2024. The first of two meetings was conducted in French and took place at the Église de Sainte-Rose around refreshments. An MCC colleague brought dates.
While meeting with key figures from the UN and the U.S. and Canadian governments, Seth and Sarah were willing to offer the Anabaptist churches of the Montreal area the perspective and lived experiences of their Israeli and Palestinian partners on the ground in the context of war.
Like true heroes braving explosions and military blockades, MCC partners living and working in Gaza provide food, bedding, and hygiene kits to the displaced, wounded, decimated, and grieving populations of Gaza. This strip of land, fenced and the size of the island of Montreal but even more densely populated, has seen over 70 percent of its buildings flattened by explosions.
No hospital in the entire strip is functional at present. Multiple independent sources, both journalistic and humanitarian, confirm and document this grim account.
Après plus d’une année d’attaques incessantes de l’armée israélienne sur la Bande de Gaza, des voix s’élèvent du milieu même de la société israélienne pour réclamer une autre approche dans la relation entre l’État d’Israël et les territoires palestiniens.
Bien plus loin des bombes, des Églises montréalaises soutenant le MCC se sentent également interpellées par la disproportion de la réponse militaire aux attaques du Hamas lancées le 7 octobre 2023. Profitant d’une tournée de quelques semaines à Washington D.C., New York et Ottawa, les représentants du MCC en Jordanie, Palestine et Israël, Seth Malone et Sarah Funkhouser, se sont arrêtés à Montréal le temps d’une journée, par un froid lundi ensoleillé d’octobre 2024. La première de deux rencontres, tenue en français, s’est déroulée à l’Église de Sainte-Rose, autour d’une collation. Une collègue du MCC y avait apporté des dattes.
Alors qu’ils rencontraient les figures importantes de l’ONU et des gouvernements américain et canadien, Seth et Sarah ont bien voulu offrir aux Églises anabaptistes de la région de Montréal la perspective et l’expérience vécue de leurs partenaires israéliens et palestiniens sur le terrain en contexte de guerre.
Véritables héros bravant les explosions et les blocus militaires, des partenaires du MCC résidant et œuvrant à Gaza apportent nourriture, literie et trousses de secours aux populations déplacées, blessées, décimées et endeuillées de Gaza. Cette bande de terre clôturée de la taille de l’île de Montréal mais encore plus densément peuplée a vu plus de 70 pourcents de ses bâtiments rasés par les explosions. Aucun hôpital dans toute la bande n’est fonctionnel à l’actuelle. De multiples sources indépendantes, journalistiques et humanitaires, confirment et documentent ce sombre compte-rendu.
Malgré toute l’attention médiatique concentrée sur la guerre à Gaza, beaucoup parmi les leaders d’Églises qui ont participé à la rencontre avec Seth et Sarah n’imaginaient pas une destruction d’une telle ampleur et d’une telle cruauté. Alors que nous dégustions les dattes apportées par ma collègue, Seth a donné un exemple horrifiant de cette cruauté : lorsque les organismes d’aide humanitaire distribuent des boîtes de dattes, fruit iconique du Moyen-Orient et excellent apport en énergie, les points de contrôle israéliens s’assurent de jeter les dattes qui ont un noyau. On ne peut que supposer que c’est pour empêcher les Gazaouis de les planter et ainsi cultiver eux-mêmes leur subsistance. Mais le plus stupéfiant pour l’auditoire fut sans doute de comprendre à quel point la société israélienne se trouve coupée de cette réalité, à force de tabou et de désinformation, et privée d’une perspective dévoilant une occupation illégale des territoires palestiniens ininterrompue depuis la Naqba (la Catastrophe), en 1949. Un partenaire israélien du MCC, Zochrot, se consacre justement à l’éducation des juifs d’Israël à la réalité de la dépossession systématique et illégale des populations palestiniennes. Il s’agit d’un travail délicat, dangereux, mais d’une importance inouïe parce qu’il vise à faire naître une nouvelle identité au sein de la société israélienne. La directrice de l’organisme Zochrot, Rachel Beitarie, réfère à une nouvelle imagination :
« Au lieu de mettre nos espoirs dans les généraux d’armée ou les puissants de ce monde, nous pouvons offrir la solidarité envers les frères et sœurs palestiniens. Au lieu de la loi du plus fort, nous pouvons offrir une mentalité de sage-femme: une vision capable de voir le potentiel de ce qui n’est pas encore né, de ce qui n’existe pas encore ».
Devant l’auditoire anabaptiste montréalais, Sarah Funkhouser revient sur cette notion d’imagination et nous encourage à prier pour qu’émerge en Israël comme dans nos Églises la vision d’une paix qui n’est pas encore une réalité. Pourquoi ici comme en Israël? Après 75 ans d’un conflit qui perdure, il faut voir au-delà des circonstances immédiates (la résistance palestinienne à la dépossession) et comprendre comment la géopolitique empêche toute résolution. Seth et Sarah nous rappellent que les États-Unis, et jusqu’à tout récemment le Canada, fournissent un appui militaire à Israël, lequel nourrit bien entendu la destruction de Gaza et, plus généralement, entretient l’occupation continuelle des territoires palestiniens. Et les timides récriminations des pays démocratiques lorsqu’Israël enfreint les lois internationales (par exemple lorsqu’il attaque sans préavis l’Iran ou le Liban) décourage l’État juif de toute remise en question de son comportement et l’empêche de faire face aux conséquences de ses actions. L’appel à développer une imagination pour la paix implique donc d’exiger de nos gouvernements occidentaux une approche de reddition de compte et une plus grande cohérence entre les principes professés et la pratique des relations internationales.
On appelle « plaidoyer » le processus par lequel la société civile, souvent sous l’impulsion d’organismes non-gouvernementaux, mène un ensemble d’actions organisées visant à influencer et/ou à modifier les comportements, les politiques et l’allocation des ressources des personnes ou des institutions qui détiennent le pouvoir, pour le bien de ceux qui sont touchés par une situation donnée (tiré du Coffre à outil du plaidoyer du MCC, p. 2). Si l’envoi de l’aide humanitaire s’avère nécessaire, on ne saurait négliger les causes fondamentales de l’impasse. Autrement, nous ne ferons que reproduire ainsi la même recette qui conduit aux mêmes résultats désastreux.
Avec la seconde élection de Donald Trump et la promesse d’un soutien américain à Israël renouvelé et encore plus indéfectible, il sera encore plus difficile au Canada de représenter une voix discordante en faveur de la paix, du compromis et des règles internationales. Et une telle chose deviendra pratiquement impensable si la prochaine élection canadienne amène au pouvoir un parti qui reproduit la position américaine.
Le MCC invite donc ceux qui entretiennent une vision pour la non-violence, la justice et la réconciliation en Palestine et en Israël à exprimer leur voix autant par le moyen du plaidoyer, notamment en parcourant cette lettre émise par le MCC, que par le moyen de l’exercice du vote démocratique. Enfin, nos prières convergent vers ce coin du monde pour que les dattes puissent recommencer à abonder en sol palestinien et que la paix germe là où on n’osait plus l’imaginer.
"Instead of placing our hopes in generals or tycoons, we can offer the solidarity among us and with our Palestinian sisters and brothers. Instead of power politics, [we can offer] the midwife’s wisdom: To manage to see the potential of what is not yet born, what does not yet exist."
In front of the Montreal Anabaptist audience, Sarah Funkhouser returns to this notion of imagination and encourages us to pray that a vision of peace—one that is not yet a reality—might emerge both in Israel and in our churches. Why here as well as in Israel? After 75 years of an ongoing conflict, we must look beyond the immediate circumstances (Palestinian resistance to dispossession) and understand how geopolitics prevents any resolution. Seth and Sarah remind us that the U.S., and until recently, Canada, have provided military support to Israel, which of course fuels the destruction of Gaza and, more generally, sustains the continuous occupation of Palestinian territory. And the timid complaints of democratic countries when Israel violates international law (for example, when it attacks Iran or Lebanon without warning) discourages Israel from questioning its behavior and prevents it from facing the consequences of its actions. The call to develop an imagination for peace, therefore, implies demanding from our Western governments an approach of accountability and greater coherence between the principles they profess and the practice of international relations.
"Advocacy" is the process by which civil society, often driven by non-governmental organizations, leads a set of organized actions aimed at influencing and/or changing the behaviours, policies, and resource allocation of individuals or institutions that hold power, for the betterment of people affected by an issue (MCC Advocacy Toolkit, p.2). While sending humanitarian aid is necessary, we must not neglect the root causes of the impasse. Otherwise, we will merely repeat the same recipe that leads to the same disastrous results.
With the second election of Donald Trump and the promise of renewed and even more unwavering U.S. support for Israel, it will be even more difficult for Canada to represent a dissenting voice in favor of peace, compromise, and international rules. And such a thing will become practically unthinkable if the next Canadian election brings to power a party that mirrors the U.S. position.
MCC therefore invites those who maintain a vision for nonviolence, justice, and reconciliation in Palestine and Israel to express their voice both through advocacy, notably by signing this letter issued by MCC, and through the exercise of democratic voting. Finally, our prayers converge toward this corner of the world, so that dates may begin to abound once again in Palestinian soil, and peace may sprout where we had long ceased to imagine it.