Une approche novatrice pour bâtir la paix

Les bibliothèques de la paix soutenues par le MCC aident la jeunesse rwandaise à écrire un nouveau chapitre harmonieux

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Two students wearing blue uniforms select books in a library.

C’est le matin dans le district de Gicumbi au Rwanda, dans la province du Nord. Des rayons de soleil traversent les fenêtres de la Bibliothèque de la paix pour enfants de Gicumbi, illuminant doucement les étagères garnies d’histoires bibliques aux couleurs vives, de recueils de mots croisés et de livres sur l’environnement. Une pléthore d’ouvrages rédigés par des auteurs africains côtoie des titres tels que Clifford le gros chien rouge.

Des enfants de G.S. Byumba Inyange, une école locale, se rendent à la bibliothèque avec leur professeur. Aussi tôt arrivés, ils s’assoient en rang. Francine Muhawenimana, coordinatrice à la bibliothèque, remet à chacun un bout de papier sur lequel est écrit un seul mot en anglais, langue que les enfants étudient en même temps que la langue nationale, le kinyarwanda.   

Alors que Francine invite les élèves à utiliser à tour de rôle leurs mots dans des phrases, Bruno Ineza Kabera est le premier à lever la main et à composer une phrase avec le mot « sœur ». Ses camarades font de même avec des mots comme « frère », « pot » et « amis ». Lorsqu’un enfant n’est pas sûr de la signification du mot qu’il a reçu, les autres l’aident.

Francine projette ensuite les pages d’un livre d’images sur un écran situé à l’avant de la salle. Il s’agit du livre Beloved Daughter (Fille bien-aimée) rédigé par l’enseignante et auteure ougandaise Ritah Katetemera. Ce livre fait partie de la collection African Storybook (ASb), une initiative qui publie des livres pour enfants d’auteurs africains dans un éventail de langues pratiquées sur le continent. Elle lit chaque page en anglais et en kinyarwanda. Le récit raconte l’histoire d’une jeune fille, qu’une amie console après que ses frères ont cassé son pot d’argile préféré ; elle reprend tous les mots utilisés dans la première activité. Après la lecture, Francine conduit les enfants dans une courte discussion sur les façons dont ils peuvent aider leurs amis.
 

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A teacher stands by a desk, interacting with students in blue uniforms seated in a classroom with pictures on the wall.
Francine Muhawenimana dirige une activité de vocabulaire en anglais. MCC/photo de Fairpicture/Denyse Kamugwiza Uwera

« Cela m’a permis de me rafraîchir la mémoire et d’apprendre le sens de nouveaux mots, » constate Ineza Kabera. Cependant, cette activité et d’autres permettent également aux enfants d’apprendre la valeur de la paix et la manière de la développer dans leurs communautés.

Le génocide de 1994 contre les Tutsis a dressé voisin contre voisin, ami contre amis et a aussi provoqué la mort de Hutus modérés. Dans les années qui ont suivi, les organisations rwandaises et internationales ont lancé diverses initiatives pour la paix. Elles ont œuvré pour réparer le fossé entre les groupes ethniques que des décennies de régime colonial avaient creusé. Ces programmes visaient généralement les adultes rwandais.

Toutefois, comme l’explique Francine, « même les enfants ont des conflits entre eux », ce qui peut entraîner des disputes, des vols et même des altercations physiques dans les écoles.

L’organisme pour lequel elle travaille, le Centre de leadership transformationnel (TLC), partenaire du MCC, a saisi l’occasion de reformuler le récit.

Cherchant à inculquer aux enfants une culture de la paix et un amour de la lecture, le TLC a ouvert sa première bibliothèque de la paix en 2005. Aujourd’hui, l’organisme gère six bibliothèques à travers le Rwanda.

En plus de ces activités, les enfants participent à des débats sur la paix. Un sujet leur est présenté, ainsi qu’une position à prendre sur celui-ci. Ils font des recherches là-dessus à l’aide des ressources de la bibliothèque, puis s’exercent à parler en public lorsqu’ils exposent leur point de vue à leurs camarades.

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Environ 250 enfants et adolescents ont également suivi une formation à la médiation par les pairs dans les bibliothèques. « Dans la médiation par les pairs, nous étudions comment un enfant peut aider un autre enfant, son ami ou sa famille », explique Sonia Hakizimana Iraboneye, camarade de classe d’Ineza Kabera.

Au cours de ces formations, les jeunes âgés de 8 à 15 ans apprennent les causes profondes des conflits et pratiquent des techniques de médiation ; ils jouent des scénarios, comme intervenir lorsqu’un camarade de classe vole le stylo d’un autre. Lorsqu’une situation similaire s’est produite à l’école, Bienvenue Mugisha a su exactement ce qu’il fallait faire. Il a contraint un camarade de classe à rendre les objets qu’il avait volés à un ami, et a persuadé l’élève qu’il avait volé de lui pardonner le vol. Les élèves qui suivent une formation à la médiation par les pairs créent des clubs de la paix dans leurs écoles. Les dirigeants de ces clubs, dont Ineza Kabera, sensibilisent leurs camarades à la paix. Ils organisent des discussions, ils montrent des pièces de théâtre ou des concerts, ou encore (méthode préférée d’Ineza Kabera) ils écrivent et interprètent des poèmes sur la paix.

Depuis qu’elle a pris ses fonctions au TLC, Francine Muhawenimana a pu observer personnellement l’impact du programme de la bibliothèque sur les enfants. Selon elle, plus ils passent de temps à la bibliothèque, plus ils prennent de l’assurance dans la lecture et l’analyse des histoires. Au fur et à mesure que ces capacités de lecture et d’écriture se développent, les jeunes lecteurs acquièrent des compétences en matière de promotion de la paix. « Ils assimilent un nouveau vocabulaire, et de surcroît leur comportement se transforme. » 
 

Ils assimilent un nouveau vocabulaire, et de surcroît leur comportement se transforme.

Francine Muhawenimana

Coordinatrice de la bibliothèque pour la paix des enfants de Gicumbi

Les enseignants, comme Jeanne Clarisse Mukarunyange de G.S. Byumba Inyange, lui expriment fréquemment leur gratitude. Francine affirme que ses élèves sont désormais mieux armés pour gérer eux-mêmes les conflits et elle doit donc intervenir moins souvent.

Les parents locaux, comme Epiphanie Ujeneza, sont également reconnaissants pour les bibliothèques de la paix.

Epiphanie explique que depuis que son fils aîné, Regis Miano Niyikiza, a suivi une formation à la médiation par les pairs, il se dispute moins avec son frère cadet et préfère résoudre les conflits de manière pacifique. De plus, son fils pratique ce qu’il a appris en dehors de la maison. Elle se souvient d’une fois, alors qu’elle se promenait dans leur quartier, elle l’a vu intervenir pour mettre fin à une bagarre entre d’autres enfants.

Son cadet, Divin Ganza Niyikiza, a lui aussi commencé à prendre des livres à la bibliothèque. Désormais, la lecture occupe une place centrale dans la vie des deux enfants. « Ils aiment lire lorsqu’ils viennent ici », explique Epiphanie. « Chaque fois, ils rapportent un livre à la maison, et ils n’ont pas de temps à perdre », puisqu’ils passent maintenant tellement de temps à lire. Elle espère qu’un jour tous les enfants du Rwanda pourront avoir accès à une bibliothèque de la paix.

Francine partage ce même souhait. Elle note qu’une septième bibliothèque de la paix est en cours de réalisation près de la capitale Kigali. De plus, le personnel du Centre de leadership transformationnel (TLC) est en train de constituer une bibliothèque numérique de livres électroniques afin de pouvoir toucher un plus grand nombre d’enfants.

Elle affirme que la transformation qu’elle a constatée chez les jeunes locaux lorsqu’ils participent aux programmes est ce qui rend son travail si gratifiant. Et elle est heureuse de voir que ces jeunes lecteurs ont adopté le principe de collaboration.

Elle considère l’action collective comme essentielle. « Ensemble. C’est ensemble que nous œuvrons pour bâtir la paix. »
 

Sienna Malik est rédactrice en chef du magazine A Common Place. Denyse Kamugwiza Uwera, photographe indépendante au Rwanda, a fourni des photos par l’intermédiaire de Fairpicture.

Légende de la photo d’en-tête : Sonia Uwikunda et Sonia Hakizimana Iraboneye choisissent des livres à la bibliothèque de la paix pour enfants de Gicumbi. MCC/photo Fairpicture/Denyse Kamugwiza Uwera
 

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