Depuis Alep, en Syrie :
En quête d’espoir au lendemain des séismes
« Il y a toujours eu de l’espoir quelque part, mais maintenant tout est détruit. Il y a encore des zones qui n’ont pas été touchées directement, qui n’ont pas été détruites, mais les gens qui s’y trouvent sont détruits intérieurement. »
Ce sont les propos de Petra Antoun, membre du personnel du Comité central mennonite (MCC) en Syrie, recueillis à Alep le 24 février. Elle travaille avec les églises et les organismes civils partenaires du MCC qui cherchent des moyens d’apporter de l’espoir et de l’aide pratique aux personnes accablées par les séismes en Syrie et en Turquie.
La Syrie était déjà affaiblie par près de 12 années de conflit armé qui ont précédé les deux séismes du 6 et du 20 février. Les combats qui ont débuté le 15 mars 2011 ont endommagé de nombreux bâtiments, les rendant vulnérables aux chocs provoqués par le séisme. De nombreuses familles ont également été déplacées par le conflit et vivent dans des bâtiments inachevés et peu sûrs qui présentent un risque accru d’effondrement.
Antoun, qui a également ressenti le séisme dans sa ville natale de Tartous, s’est entretenue avec Meghan Mast, conteuse multimédia pour le MCC Canada, sur la situation et la réponse du MCC dans le cadre de Relief, Development and Podcast, un podcast (uniquement en anglais) du MCC. Aux fins de cet article, nous abrégeons leurs propos.

Meghan : Pouvez-vous nous décrire la situation présente à Alep ?
Petra : Ces deux derniers jours, alors que je marchais, je gardais l’œil au-dessus de moi, pour m’assurer que rien ne me tombe dessus. La plupart des bâtiments ont été détruits par la guerre et ensuite par le séisme, ou sont à deux doigts de s’écrouler. Les gens ont peur de rentrer chez eux pour accomplir leurs tâches habituelles. Les enfants ont peur. Ils souffrent de traumatismes, des cris de leur mère ou de tout autre vécu, et personne ne parle des traumatismes subis.
Meghan : Il semble que certains besoins que vous constatez soient d’ordre psychologique. Quels sont les autres besoins que vous percevez en ce moment ?
Petra : Avant le séisme, les gens avaient de la peine à satisfaire leurs besoins essentiels. Et maintenant, après ce qui s’est passé, beaucoup ont perdu leur emploi. Il y a un manque de nourriture. C’est le besoin le plus élémentaire actuellement ; de la nourriture qu’ils peuvent utiliser, comme des conserves, parce que beaucoup ont perdu leur maison et n’ont donc pas de cuisine. Ils ont besoin d’un endroit où loger parce qu’ils se trouvent maintenant dans nos principaux centres : les écoles, les mosquées, les églises, les salles et d’autres centres communautaires.
Nous pouvons donc répondre à de nombreux besoins. Mais cela demande de la réflexion, de la sagesse et de la coordination avec d’autres communautés, d’autres organismes sur le terrain, afin d’éviter les doublons. Nous devons réfléchir : quels sont les besoins non seulement pour aujourd’hui, mais aussi pour les semaines et les mois à venir.
Meghan : Le MCC et ses partenaires ont-ils déjà réagi ? Ou s’agit-il d’une étape de collecte d’informations en quelque sorte ?
Petra : Je pense que c’est les deux à la fois. Nous pensons intervenir dès maintenant. Et puis nous réfléchissons aux six mois ou à l’année à venir. Ce que nous allons faire (maintenant), c’est nous coordonner avec les églises partenaires ou d’autres organismes pour distribuer des paniers de nourriture et des trousses d’hygiène parce qu’elles sont indispensables, en particulier des couches pour les enfants ou même des serviettes hygiéniques pour les femmes.
Tous les partenaires demandent de l’aide pour le loyer. D’ailleurs, il n’y a pas d’eau chaude pour se doucher dans ces centres, de sorte que les enfants se douchent à l’eau froide. À Alep, il fait très froid. C’est la ville la plus froide en Syrie. Évidemment, ce n’est pas comparable au froid canadien, mais pour la Syrie, il fait trop froid. Nous n’avons pas de combustible, pas de chauffage. La plupart du temps, nous n’avons pas d’électricité. C’est un gros problème ici.

Meghan : Quelles histoires vous ont marquée ?
Petra : L’un des partenaires nous a dit qu’il était un peu triste parce qu’il y avait des familles qui, même pendant les 12 années de guerre, n’avaient jamais demandé un panier de nourriture ou de l’aide à l’église. Mais maintenant, à cause du séisme, elles tendent la main. Elles ont perdu leurs revenus, leur magasin a été détruit, ou même s’il n’est pas détruit, personne ne va acheter quoi que ce soit. Il y a des gens qui achètent de la nourriture, mais qui n’achètent pas de veste ou de chaussures. Ainsi, les personnes qui ont des magasins de vêtements, comment feront-elles pour vivre si personne n’achète leurs marchandises ?
De nombreuses personnes ont quitté Alep. Il y avait une petite voiture dans laquelle plus de neuf personnes dormaient. Les enfants ont peur de retourner à la maison, ou même s’ils y retournent, ils ont peur de rester dans leur chambre. Ils préfèrent dormir dans une autre pièce. Plus ils grandissent, plus ils sont traumatisés.

Meghan : Avant les séismes, la Syrie était déjà éprouvée par de nombreuses années de guerre. Pouvez-vous nous parler des défis supplémentaires auxquels la Syrie est confrontée ?
Petra : Oui, les sanctions (mises en place par de nombreux pays en 2011) ont été très dures pour le peuple syrien. Elles visaient le gouvernement, mais pour être honnêtes, elles visaient surtout le peuple. À cause de cela, nous n’avons pas de carburant pour produire de l’électricité, pour nous chauffer en hiver, ou pour obtenir du pain, des produits de base ou du lait maternisé pour les bébés.
Les prix sont trop élevés en raison du taux de change élevé. Une famille normale n’aura pas les moyens de satisfaire ses besoins de base à cause des coûts élevés, dus au taux de change, causé par les sanctions. Tout est donc lié. Vous ne pouvez pas acheter de carburant pour votre voiture. Si vous avez de l’argent, vous pouvez obtenir tout ce que vous voulez. Mais les personnes vulnérables n’auront pas d’argent ; elles ne pourront pas acheter du carburant pour chauffer leur maison.
Meghan : Que diriez-vous aux donateurs du MCC qui expriment leur intérêt et leur préoccupation pour les personnes touchées par le séisme ?
Petra : Je dirais d’abord merci. Vraiment, merci. Vous tentez d’aider les personnes vulnérables touchées à la fois par la guerre et par les séismes. Je vous dirais de continuer à prier pour les gens. C’est très important de donner de l’argent parce qu’on en a vraiment besoin. C’est certain. Mais il est également très important de garder les gens dans vos pensées, dans vos prières.

La problématique des sanctions est très importante. Nous serions reconnaissants pour toute aide dans ce domaine, non seulement dans le cadre d’intervention menée après le séisme, mais aussi à long terme. En effet, dans six mois, je pense que cette problématique sera toujours à l’ordre du jour.
Meghan : Y a-t-il autre chose que vous voulez ajouter ?
Petra : J’aime prendre des photos qui évoquent l’espoir. À Alep, j’étais à la recherche de toute forme d’espoir, de tout élément susceptible d’être quelque chose de bon à mentionner. Mais maintenant, c’est comme si tout est détruit ; les âmes, les personnes qui sont mortes, la destruction des maisons... Il existe encore des zones non touchées directement, qui ne sont pas détruites, mais les gens qui s’y trouvent sont détruits de l’intérieur.
Nous voulons reconstruire le cœur de ces personnes en les soutenant. Les soutenir dans tous les sens du terme, pas seulement en envoyant de l’argent, mais en les aimant. Je suis reconnaissant au MCC de m’avoir donné de l’amour. Le MCC, c’est donc l’amour, l’espoir et la foi en action.
Pour écouter l’intégralité du podcast, cherchez Relief, Development and Podcast (uniquement en anglais) partout où vous trouvez vos podcasts. Vous pouvez également le trouver en ligne.
Par le biais d’organismes partenaires de l’Église et de la société civile en Syrie, le MCC :
- Fournit des aliments prêts à consommer, des articles d’hygiène et des couches pour bébés à 4 000 personnes à Alep.
- Planifie une réponse alimentaire à plus long terme à Alep, Lattaquié et Tartous.
- Soutient la levée des sanctions. Le 17 février, le MCC (États-Unis) a signé une déclaration avec 15 autres organisations confessionnelles nationales, exhortant les États-Unis à lever les sanctions contre la Syrie et à accélérer l’aide humanitaire après les séismes.
- Distribue des articles d’hygiène et de couvertures.
- Fournit de la nourriture d’urgence dans les abris, ainsi que des articles d’hygiène, d’eau potable, de couvertures et de matelas, et de soutien psychologique..
- Poursuit des programmes mis en place avant le séisme en vue de distribuer des paniers alimentaires et répondre aux besoins de chauffage en hiver.
Syria earthquake response
MCC is working with partners in Aleppo, Syria to provide emergency assistance such as food baskets, clothing, hygiene supplies, winterization supplies and water resources. MCC will also be providing partners with psychological and trauma training.