Déplacé par la guerre, au service de la paix
Élevé au milieu de la violence, Mulanda Jimmy Juma a consacré sa vie à bâtir la paix.

Mulanda Jimmy Juma, actuellement représentant du MCC en République démocratique du Congo (RD Congo), poursuit son action en faveur d’une paix durable. (Cliquez ici pour regarder la vidéo à la fin de l’article, en anglais uniquement).

À 20 ans, Mulanda Jimmy Juma, à droite, a terminé ses études secondaires et s’apprêtait à entrer à l’université. Le voici en compagnie de son ami d’enfance, Delphin Kahindo. Photo fournie gracieusement par Mulanda Jimmy Juma
En 1996, Mulanda « Jimmy » Juma savait que Laurent Kabila montait une rébellion armée contre le président de la République démocratique du Congo (RD Congo, alors Zaïre). Toutefois, il ne savait pas que les combattants de Kabila se rendaient au village de Mboko avant qu’ils ne se mettent à tirer au hasard dans toutes les directions.
Ce stagiaire universitaire de 23 ans courut vers le lac Tanganyika. Il savait que les arbres denses et le feuillage le long du lac offraient une cachette, car, dans son enfance, sa famille se réfugiait sur les rives lorsque des groupes armés attaquaient.
« Alors que je m’enfuyais, je vis des gens tomber, des gens que je connaissais », se rappelle Jimmy en racontant son histoire en 2020. Deux de ses oncles et leurs familles se trouvaient déjà au bord du lac, et il se cacha avec eux. « Lorsque je suis sorti le soir, l’eau du lac était rouge. Ceux qui avaient cherché à s’enfuir par bateau furent abattus dans l’eau. »
Sous le couvert de l’obscurité, ils embarquèrent sur le bateau de pêche étroit d’un oncle, d’environ 15 pieds de long, et ramèrent vers le sud, loin des rebelles. Les vagues étaient si fortes et le bateau si plein qu’il faillit chavirer, même après avoir jeté tout ce qu’ils transportaient par-dessus bord, y compris les précieux manuels scolaires de Jimmy.
C’est ainsi que commença le périple de Jimmy le réfugié. Un parcours rempli de douleur et de souffrance, mais qui, au fil des rencontres avec le personnel du MCC, l’a conduit à des années d’études, d’enseignement et de pratique de la paix.
Aujourd’hui, en tant que représentant du MCC en République démocratique du Congo, son expérience personnelle lui donne de l’empathie. Il travaille avec des partenaires du MCC pour aider les personnes dans le besoin, y compris celles déplacées par la violence.

En tant que représentant du MCC, Jimmy prend la parole pendant la célébration du dimanche à la Communauté des Églises des frères mennonites du Congo, un partenaire du MCC à Bukavu. Le pasteur Jacques Pilipili se tient à côté de lui. Photo MCC/Matthew Lester
Dans de nombreux lieux, le MCC soutient les distributions de nourriture, l’éducation et les soins de santé et offre aux familles la possibilité de gagner de l’argent jusqu’à leur retour chez eux. Bien que ces interventions soient essentielles à la survie, Jimmy pense qu’à long terme, la solution aux souffrances de la République démocratique du Congo est l’établissement de la paix.
En temps de paix, déclare-t-il, personne n’est contraint de quitter son foyer ou de se séparer de sa famille. Les habitants peuvent tirer parti des riches ressources de la République démocratique du Congo, s’épanouir et subvenir à leurs besoins et à ceux d’autrui.
Grandir dans un contexte de violence
Jeune adulte, Jimmy n’en est pas à sa première expérience de violence. Avant l’âge de 10 ans, sa famille vivait dans la brousse, le long du lac, près du village d’Amba, une zone que des groupes armés en quête de ravitaillement ou désireux d’exercer leur pouvoir attaquaient fréquemment.
La région était si instable que les parents de Jimmy désignèrent un lieu sûr où la famille pourrait se retrouver si le village était attaqué. Les enfants savaient qu’il ne fallait pas emprunter deux fois le même chemin, car les soldats ou les rebelles pouvaient être à l’affût.
« Lorsque les rebelles arrivaient pour voler ou piller, il fallait toujours s’enfuir. Nous y étions habitués », raconte Jimmy.

Enfant, ici âgé d’environ 5 ans, Jimmy a connu la faim, la guerre et l’amour de ses parents. Photo fournie gracieusement par Mulanda Jimmy Juma
Malgré ce contexte, il s’est senti en sécurité grâce à l’amour de ses parents. De son père, Juma Lubambo M’sambya III, chef traditionnel de la région et homme d’affaires autodidacte, Jimmy a appris l’ingéniosité, la persévérance, l’intégrité et l’importance de l’éducation et des relations.
Sa mère, Mwangaza Lotombo Wa M’landa, chef de file des femmes de l’église, lui a enseigné l’importance de la foi et l’assiduité à l’église, même s’il devait traverser un territoire dangereux pour assister aux célébrations.

Jimmy et sa mère, Mwangaza Lotombo Wa M’landa, posent pour une photo en 1985, devant leur maison dans le village d’Amba. Sa mère l’a mis au monde en 1973, juste après avoir traversé le lac Tanganyika depuis le Burundi, où leur famille vivait en tant que réfugié depuis 10 ans. Photo fournie gracieusement par Mulanda Jimmy Juma.
« J’ai aussi appris le service, déclare Jimmy. Chaque fois que mon père pêchait du poisson, l’un d’eux (maman ou papa) m’appelait et nous envoyait dans la communauté partager la prise, simplement pour donner. Rendez-vous chez cette famille, puis chez une autre. Ils nous enseignaient vraiment le sens du service ».
Jimmy s’est épanoui à l’école, malgré une fréquentation sporadique en raison de la violence. Premier de sa classe à tous les niveaux, il a pu s’inscrire à l’université de Bukavu, où il a étudié l’aménagement du territoire.
Au cours de sa première année d’études, il a effectué un stage avec des jeunes pour renforcer le développement à Mboko, une ville proche d’Amba. C’est alors que les tirs commencèrent et qu’il laissa tout derrière lui.
La vie en tant que réfugié
Après avoir vécu dans un camp de réfugiés en Tanzanie où la nourriture manquait et les maladies sévissaient, Jimmy regagna la République démocratique du Congo. Cependant, il n’y avait aucun signe d’apaisement des combats. Incapable d’étudier et ne voulant pas se battre ou recruter des volontaires à se battre, comme le lui demandaient les chefs de village, il sombra dans le désespoir.

Après sa première expérience dans un camp de réfugiés en Tanzanie, Jimmy est retourné en République démocratique du Congo. C’est là que cette photo fut prise à Bukavu en 1997, alors qu’il se promenait avec des amis. Peu de temps après, il s’enfuit à nouveau, en raison de la poursuite des violences. Photo fournie gracieusement par Mulanda Jimmy Juma.
« Vous pensez avoir une idée claire de ce que vous allez faire par la suite. Tout vole en éclats », déclare Jimmy. « J’ai perdu l’espoir. J’ai perdu mes repères. Je ne savais pas quoi faire. Il nous fallait fuir. »
Avec un ami, il a commencé à marcher… à travers la Tanzanie, le Malawi et le Mozambique. Pendant plus d’un an, ils ont souffert de la faim, du manque d’argent. Ils se sont perdus, mais ils ont survécu grâce à la gentillesse d’étrangers, à des emplois à court terme et à de courts séjours dans des camps de réfugiés.
Au cours de son voyage, il entendit une rumeur selon laquelle son père serait mort en 1998 lors d’un massacre de plus de 1 000 personnes dans la ville de Makobola, où il fréquentait l’école secondaire. Il envoya des lettres à sa mère par l’intermédiaire de la Croix-Rouge, mais ne reçut aucune réponse. Il a vécu donc dans l’incertitude et avec le désir croissant de venger la mort de ceux qu’il avait connus et aimés.
Finalement, son long parcours l’a conduit à Durban, en Afrique du Sud, en 1999. Il y trouva un logement avec de nombreux autres réfugiés. Toutefois, le racisme qui perdurait dans l’ère post-apartheid a fait que les réfugiés étaient souvent la cible de mauvais traitements.
Grâce à ses compétences en leadership et à sa maîtrise de l’anglais, Jimmy s’est mis à plaider en faveur d’un meilleur traitement des réfugiés auprès des responsables gouvernementaux, des chefs religieux et des membres influents des partis politiques. « Je n’étais pas formé, mais j’étais suffisamment créatif pour saisir toutes les opportunités », explique-t-il.
À une conférence durant laquelle il est intervenu, un participant lui a parlé du MCC, une organisation qui formait des personnes à bâtir la paix.
« Je me suis dit : « Étudier la paix ? Est-ce que ça existe des études sur la paix ? »
Formation sur le traumatisme et la construction de la paix
Au bureau du MCC à Durban, où Jimmy vint se renseigner, Suzanne Lind, une représentante du MCC, lui parla des possibilités d’étudier la paix avec le MCC. Jimmy l’a impressionnée.
« J’ai été frappée par la douceur de son esprit, la lumière dans ses yeux, la facilité avec laquelle j’ai pu converser avec lui », écrivit-elle récemment dans un courriel. « Sa volonté d’en apprendre davantage sur la construction de la paix et sur l’aide à apporter aux personnes traumatisées m’a impressionnée ».

Tim et Suzanne Lind, anciens représentants du MCC en Afrique du Sud et en République démocratique du Congo, ont présenté Jimmy au MCC et l’ont encouragé dans ses efforts pour bâtir la paix. Ils restèrent en contact au fil des ans, devenant une famille l’un pour l’autre. En 2017, avant que Jimmy ne devienne représentant en RD Congo, il leur a rendu visite aux États-Unis, où ils le présentèrent aux mennonites et aux églises de l’Ouest. Avec l’aimable autorisation de Suzanne Lind
En apprenant à le connaître, elle s’est rendu compte qu’il hésitait à parler de ses propres traumatismes. Elle l’invita donc à participer à un programme du MCC sur la guérison des traumatismes en 2001.
« J’ai découvert que je traînais un bagage émotionnel lié aux traumatismes vécus depuis fort longtemps, confie Jimmy. Lors de cette formation, j’ai pleuré en partageant mon vécu, les événements douloureux de mon passé. Tout le groupe est venu vers moi, m’a littéralement pris dans ses bras et m’a apporté son soutien. À partir de ce moment-là, je me suis senti soulagé; j’ai vraiment eu l’impression qu’un poids s’était envolé, que j’étais moins accablée par les événements de ma vie. »
L’année suivante, le MCC le parraina pour qu’il se rende à l’Institut africain de consolidation de la paix (African Peacebuilding Institute, API). Cet institut de formation est destiné aux Africains qui souhaitent en savoir plus sur la manière de construire la paix dans leurs communautés et de surmonter les traumatismes.
« J’ai aussi appris que la loi du talion : œil pour œil ne fera que rendre les gens aveugles. Je ne veux pas rendre plus de gens aveugles. En fait, je souhaite que plus de gens voient. »
Mulanda Jimmy Juma
Représentant du MCC, République démocratique du Congo
« J’ai appris de nouvelles approches et de nouveaux moyens pour faire face à la violence », déclare Jimmy. Il expliqua que cela lui a permis de renoncer à son projet de vengeance. « J’ai aussi appris que la loi du talion : œil pour œil ne fera que rendre les gens aveugles. Je ne veux pas rendre plus de gens aveugles. En fait, je souhaite que plus de gens voient. »
Aider les gens à voir
Profitant de toutes les occasions, Jimmy a continué à étudier et à promouvoir la construction de la paix, tout en exerçant divers emplois afin de subvenir à ses besoins.
Convaincu que les jeunes réfugiés à Durban devaient faire l’expérience de la paix, il mit en œuvre plusieurs programmes sur la paix au cours des quatre années suivantes, dont l’un en coopération avec le MCC. Pour ce programme, il sélectionna les jeunes les plus perturbés, leur apprenant à résoudre les conflits, à gérer leur colère, à communiquer de manière non violente et à surmonter leurs traumatismes.
« Il y a eu de réels changements dans la vie des jeunes qui ont suivi la formation », déclare-t-il.
Il constata également que les personnes qui fréquentaient son église composée majoritairement de Blancs avaient besoin de paix, car le racisme était flagrant à l’égard des fidèles noirs. Bien que nombre de ses amis noirs aient quitté l’église, il choisit de rester après chaque incident raciste, certain qu’une transformation était possible.
Alors qu’il travaillait avec des pasteurs pour lutter contre l’injustice, il s’obstinait à nouer des relations en invitant des conférenciers noirs et en encourageant l’interaction sociale entre les races. Petit à petit, les attitudes ont changé. Les sourires sont devenus sincères et il y eut des accolades entre les Noirs et les Blancs. Lorsqu’il s’est installé en Zambie en 2006, il se sentait aimé et accepté.

En 2015, des artisans de la paix africains se sont réunis à Johannesburg, en Afrique du Sud pour participer à l’Institut africain de consolidation de la paix, coordonné par Jimmy afin de renforcer leurs compétences et les mettre au service de leurs communautés d’origine. Photo fournie gracieusement par Mulanda Jimmy Juma.
Jimmy a compris que la paix pouvait se répandre à condition que les gens sachent comment résoudre les conflits et œuvrer pour la paix dans leurs communautés. Aussi, lorsque Carl Stauffer, responsable de la construction de la paix au sein du MCC en Afrique australe, l’invita à diriger des groupes de guérison des traumatismes et à enseigner des techniques de paix dans le cadre de l’Institut africain de consolidation de la paix (API) et d’autres formations parrainées par le MCC, il accepta avec empressement.
En plus de sa propre expérience et de la formation reçue auprès de MCC, il acquit des connaissances dans le cadre d’un master en études sur la paix et la résolution des conflits obtenu à l’université KwaZulu-Natal en Afrique du Sud.
Lorsqu’il a appris en 2005 que ses parents étaient toujours en vie, son cœur s’est apaisé davantage. Ils se sont retrouvés suite à une formation du MCC près de la République démocratique du Congo.

En 2013, Jimmy partage sa thèse avec son père, Juma Lubambo M’sambya III, qui, pendant son enfance, soulignait toujours l’importance de l’éducation. Jimmy obtient son doctorat en politique, droits de l’homme et développement durable dans une université italienne, la Scuola Superiore Sant'anna. Photo/Etunyema Elongo Amissi
En Zambie, où il travaillait pour l’Institut Dag Hammarskjöld d’études sur la paix et les conflits, il a constaté que les réfugiés et les Zambiens avaient besoin de paix. Des ressentiments et des conflits se multipliaient entre les deux groupes. Pendant son temps libre, lui et deux autres réfugiés congolais, Kiota Mufayabatu et Issa Ebombolo, ont créé un club communautaire de paix dans la capitale, Lusaka.
Au fur et à mesure que les réfugiés et les Zambiens se réunissaient pour étudier la paix, les tensions se sont atténuées. Soutenus par le MCC, ils ont créé d’autres clubs de paix communautaires et, sous la direction d’Ebombolo, ceux-ci se sont ensuite étendus aux écoles zambiennes.
Jimmy est devenu professeur, s’est marié et a obtenu un doctorat en Italie. Lorsque le MCC l’a invité à remplacer Carl Stauffer en tant qu’artisan de la paix du MCC en Afrique australe en 2012, il accepta.
« Il a surmonté des obstacles incroyables dans sa vie et il l’a fait avec une ambition et une intégrité fervente, ainsi qu’une grande foi. Il est un exemple de ce que le MCC peut offrir de mieux dans les domaines de la guérison des traumatismes, de la non-violence, de la construction de la paix et des actions en faveur de la justice. »
Carl Stauffer
Professeur adjoint d’études sur la justice à l’Eastern Mennonite University (EMU)
À ce titre, il a joué un rôle de médiateur dans les conflits au sein des organisations, a aidé les clubs de paix à se répandre en Afrique du Sud et au Nigeria, et a coordonné la formation de nombreux artisans de la paix africains à l’Institut africain de consolidation de la paix (API). Lors de ses déplacements en Afrique australe, il a encouragé les diplômés de l’API, dont la formation avait été financée par le MCC, à lancer des projets de paix là où ils vivaient.
« Pour moi, c’était une joie de voir ces initiatives de paix naître en Afrique australe », déclare Jimmy.
Carl Stauffer, qui est aujourd’hui professeur adjoint d’études sur la justice à l’Eastern Mennonite University de Harrisonburg (Virginie), estime que Jimmy est un leader modèle.

Carl Stauffer, ancien coordinateur du développement la paix du MCC en Afrique australe, et Jimmy, son successeur. Les deux ont donné un cours nommé « Justice en transition », dans le cadre de l’Institut d’été du développement de la paix 2015 à l’Eastern Mennonite University, à Harrisonburg (Virginie). Photo fournie gracieusement par Eastern Mennonite University
« Il a surmonté des obstacles incroyables dans sa vie et l’a fait avec une ambition et une intégrité fervente, ainsi qu’une grande foi. Il est un exemple de ce que le MCC peut offrir de mieux dans les domaines de la guérison des traumatismes, de la non-violence, de la construction de la paix et des actions en faveur de la justice. »
“Compte tenu de tous ses accomplissements, il pourrait travailler n’importe où dans le monde. Pourtant, il a décidé intentionnellement et par principe de rester et de consacrer son temps et son énergie au développement d’une « paix juste » en Afrique. Son engagement envers son peuple et le continent africain est inébranlable”.
Retour en RD Congo
En 2017, Jimmy décida de revenir en RD Congo en tant que représentant du MCC, refusant un poste qu’on lui avait proposé au sein de l’Union africaine.

Jimmy (à droite), représentant du MCC pour la RD Congo, s’entretient avec Pascal Birhahwa Muhindo, directeur de l’école secondaire Katuze, dans le village de Mosho III. Le MCC et la Communauté d’Églises des frères mennonites au Congo ont installé des latrines dans son école. Photo MCC/Matthew Lester
« La raison pour laquelle je suis revenu au Congo était d’avoir la possibilité de contribuer de manière modeste à la paix et au développement dans ce pays », déclare-t-il. Il a très vite eu l’occasion de le faire, alors même que sa femme donnait naissance à des jumeaux, un garçon et une fille, en Afrique du Sud.
Un violent conflit dans la région du Kasaï en 2016 et 2017 a déraciné plus de 1,4 million de personnes, dont environ 50 000 mennonites. Trois dénominations mennonites congolaises situées dans différentes parties du Kasaï ont contribué à fournir de la nourriture, des vêtements et des abris, mais elles avaient besoin d’aide.
Alors que les organisations mennonites du monde entier rassemblaient de l’argent pour les aider, Jimmy a préparé les dénominations à effectuer de grandes distributions. Il s’est vite rendu vite compte qu’il y avait de vieilles rancœurs entre les dénominations qui les empêchaient de travailler ensemble. La restauration de la paix devait faire partie du processus.
« J’ai donc commencé à organiser des ateliers pour les membres des comités de secours des trois dénominations, afin qu’ils participent aux mêmes ateliers et apprennent les mêmes choses ensemble », expliqua Jimmy.
Le sujet était pratique : comment organiser un projet d’aide pour que sa mise en œuvre se déroule sans heurts. Au cours du processus, cependant, les participants ont exprimé beaucoup de colère et de critiques à l’égard du MCC et des uns et des autres. Jimmy a réagi de manière pacifique.
« Le fait de ne pas les repousser, de ne pas être en colère contre eux, de les laisser s’exprimer et de faire en sorte qu’ils se sentent en sécurité lorsqu’ils s’expriment ont, d’une certaine façon, instauré un lien entre les églises mennonites et moi », explique-t-il. L’interaction entre les trois comités de secours a permis un renforcement des relations.
Ces quatre femmes, Kasengele Tshibitshiabu, Ntumba Bitu, Bilonda Kabengele et Mputu Muamalonga, ont été déplacées de leurs maisons par la violence au Kasaï. Ici elles travaillent ensemble pour remplir l’abreuvoir d’une porcherie dans la ville de Tshikapa. Les porcs font partie d’un projet du MCC que Jimmy supervise et qui aide les personnes déplacées à gagner leur vie. Photo MCC/Kabamba Lwamba
Au fil du temps, les trois dénominations ont procédé à de nombreuses distributions dans la région du Kasaï; aujourd’hui deux d’entre elles continuent à mener des projets agricoles auprès des personnes déplacées et à organiser des ateliers pour guérir des traumatismes.
Jimmy peut s’identifier avec la douleur dont il a été témoin au Kasaï et souhaite ardemment qu’elle prenne fin.
« Parfois, je repense à ce que j’ai vécu et je ne veux pas que d’autres personnes vivent la même chose. Je ne veux pas que quelqu’un souffre comme moi. Je ne veux pas que mes enfants souffrent. Je ne veux pas que des femmes soient violées », déclare-t-il. Par conséquent, il ne cesse de se demander comment il peut apporter la guérison et la paix.
Alors qu’il effectuait une évaluation des besoins pour le MCC en 2010, il se souvient avoir demandé à un homme qui vivait au milieu de groupes rebelles ce dont la communauté avait besoin pour survivre. « Donnez-nous la paix et nous ferons le reste nous-mêmes », lui a répondu l’homme.
« Je pense que je dois œuvrer pour la paix parce que c’est ce que les gens veulent vraiment… Ils veulent la paix parce qu’avec la paix, ils peuvent prendre soin d’eux-mêmes et répondre à d’autres besoins. »
Mulanda Jimmy Juma
Représentant du MCC, République démocratique du Congo
D’autres membres de la communauté expliquent qu’ils savent comment cultiver, mais qu’au moment de la récolte, les rebelles et les soldats s’approprient les produits.
« Je sens que je dois œuvrer pour la paix parce que c’est ce que les gens veulent vraiment. Ils ne veulent pas de nourriture. Ils ne veulent pas de vêtements. Ils veulent la paix parce qu’avec la paix, ils peuvent prendre soin d’eux-mêmes et répondre à d’autres besoins », déclare Jimmy.
C’est ce qui encourage Jimmy à poursuivre ce qui est devenu le travail de toute une vie : former des artisans de la paix et donner des outils pour résoudre les conflits. « Peut-être qu’un jour, si beaucoup de gens font ce que je fais, nous pourrons parvenir à la paix ».
Video:
In further conversation, Mulanda highlights key experiences in his MCC peacebuilding journey.