De sol à la solidarité

Finca Eirene, partenaire du MCC, relie la foi, l'alimentation et les gens grâce à l'agroécologie

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A woman gesturing to lush trees in a forest

Pour Kelmadis Pérez Rivera, l’agroécologie, c’est-à-dire l’intégration de principes écologiques dans les systèmes et pratiques agricoles, constitue une pratique profondément spirituelle. Kelmadis est fondatrice de Finca Eirene, une ferme agroécologique exploitée par des femmes dans la région rurale de Toa Alta, à Porto Rico, « Mes meilleurs moments de prière se passent lorsque je sème. Je prie pour la semence », avoue-t-elle. 

Porto Rico, une île des Caraïbes qui abrite une flore et une faune d’une grande richesse et qui possède une industrie agricole dynamique, est confrontée aux défis profondément enracinés dans son histoire coloniale ainsi qu’au changement climatique.

En raison de siècles de colonisation espagnole suivis de son accession au statut de territoire américain en 1898, le système alimentaire local de Porto Rico a subi les conséquences des pratiques et des politiques coloniales, dont la monoculture. Celle-ci a favorisé des cultures commerciales pour l’exportation telles que le café et la canne à sucre, réduisant ainsi l’autonomie et la viabilité des collectivités et des exploitations agricoles locales. Cela a accru la dépendance de Porto Rico vis-à-vis des É.-U. en matière d’importations et de sécurité alimentaire.    

Depuis les années 1930, les mennonites et les organismes non gouvernementaux, dont le MCC, ont eu un impact important sur l’île de Puerto Rico dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la construction de communautés et de la réponse aux catastrophes.  

Aujourd’hui, le MCC accompagne des agriculteurs locaux comme Kelmadis à Porto Rico. Sur sa petite ferme de deux acres, elle poursuit le développement communautaire axé sur l’alimentation et cherche des solutions au changement climatique par le biais de l’agroécologie.
 

« L’harmonie dans tous les domaines »

« J’ai emprunté le mot “eirene” au grec qu’on traduit généralement par “paix” dans le Nouveau Testament, » explique Kelmadis. « C’est une paix qui évoque l’équilibre, l’harmonie sociale, économique, politique ainsi que dans le monde naturel. Il s’agit d’une harmonie dans tous les domaines de la vie. »

Kelmadis, qui se décrit comme « écoféministe », constate la similitude entre la manière dont les femmes et la nature sont opprimées et exploitées. Elle explique : « Dans l’écoféminisme, je signale la ressemblance entre les défis, les difficultés ou l’oppression que je rencontre en tant que femme et ceux subis par la nature. »
 

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A woman standing in front of lush green trees
Kelmadis Pérez Rivera fait visiter sa ferme à Toa Alta, Porto Rico, en mai 2024. Photo MCC/Yujin Kim 

« Pour moi [en tant que femme], il est très difficile d’accéder à la terre ici à Porto Rico », admet-elle. « Je reconnais que le fait d’être mariée m’aide, mais si j’étais célibataire, je serais encore à la recherche d’une ferme. »  

Lorsqu’elle a acquis son terrain de deux acres en novembre 2023, les gens pensaient qu’elle allait abattre la forêt et exploiter le terrain immédiatement.

Cependant, elle a adopté une autre approche : « … je crois qu’il faut conserver, c’est-à-dire prendre soin et respecter l’harmonie, le rythme de chaque chose. » Aujourd’hui, Kelmadis est encore en train d’apprendre à connaître la terre. Elle observe ce qui pousse et dérange la terre le moins possible lorsqu’elle sème.

La mise en œuvre de solutions climatiques par le biais de l’agroécologie

 

En 2017, l’ouragan Maria a provoqué une dévastation sans précédent à Porto Rico : 80 % des récoltes sur l’île ont été détruites, entraînant d’importantes pénuries alimentaires. La réponse lente et négligente du gouvernement américain a exacerbé une situation déjà vulnérable. Alors que l’île continue de se relever, elle fait face également aux impacts de plus en plus intenses du changement climatique, notamment les ouragans fréquents, les vagues de chaleur extrême et les phénomènes météorologiques imprévisibles.

Les effets du changement climatique sont évidents pour Kelmadis et les agriculteurs locaux. Ils sont confrontés à des alertes à la chaleur fréquentes et consécutives, ainsi qu’à des épisodes de pluie inhabituels. Elle déclare : « Je ne me souviens pas avoir connu de telles températures à Porto Rico, pas même pendant les étés les plus chauds ».  

Le réchauffement des eaux océaniques entraîne l’apparition d’ouragans plus violents sur l’île. Pour Kelmadis et sa famille, se préparer à la saison des ouragans commence dès le mois de mai ou juin de chaque année. Une partie des préparatifs consiste à rassembler les poules élevées en plein air et à les mettre dans des caisses pour les protéger. Pourtant, à chaque passage d’un ouragan, elle perd au moins deux poules.
 

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A woman crouching looking into a chicken coop
Kelmadis Pérez Rivera surveille ses poules dans sa ferme de Toa Alta, à Porto Rico, en mai 2024. Photo MCC/Yujin Kim

« Ces deux dernières années ont été particulièrement difficiles… Ici, il y a toujours une saison des pluies, une saison sèche au cours de laquelle les gens se préparent déjà à travailler la terre », explique-t-elle. « Mais ces perturbations radicales… les alertes à la chaleur extrême affectent la production. Par exemple, la production de panas (fruits à pain) et de mangues a chuté de façon spectaculaire. Ce que j’avais l’habitude de chercher dans la forêt pour me nourrir, je dois le remplacer par autre chose ».

Alors que Kelmadis s’adapte à ces nouvelles conditions météorologiques, telles les pluies torrentielles, elle déclare : « Nous devons faire très attention à la manière dont nous ensemençons pour éviter l’érosion des sols. C’est pour cela que je me concentre davantage sur l’agroforesterie et l’agroécologie ; celles-ci me permettent de mieux prendre soin de la terre. »

Selon elle, l’agroécologie et l’agroforesterie, c’est-à-dire l’intégration intentionnelle d’arbres et d’arbustes dans les systèmes de culture et d’élevage, constituent des méthodes durables. Ils permettent d’atténuer les effets du changement climatique et de s’y adapter. « Le système agroforestier nous permet de réduire ces impacts, les rendre moins sévères. C’est également l’une des méthodes scientifiquement prouvées pour aider la planète à se remettre des effets du changement climatique », explique-t-elle.
 

Un souci constant de la terre, des aliments et des personnes

À Finca Eirene, tout a sa place et sa raison d’être. La ferme favorise la biodiversité du sol, des plantes et des pollinisateurs qui visitent l’abri vert et dense. Les grands arbres à l’esprit libre et leurs racines protègent le sol de l’érosion et favorisent l’infiltration de l’eau. Les poules se promènent librement ; ils alimentent le sol de leur fumier et luttent contre les mauvaises herbes et les parasites. Kelmadis fabrique son propre compost et son propre paillis à partir d’arbres tombés et d’herbe coupée.

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Chickens in a lush green forest
Les poules de Finca Eirene, à Toa Alta, Porto Rico, prennent un bain de poussière qui les aide à garder leurs plumes propres et exemptes de parasites. Photo MCC/Yujin Kim

« J’évite au maximum de déranger ou de perturber la nature, » affirme-t-elle. » En agroécologie, on cherche avant tout à protéger les sols ».

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Bananas growing on a tree
Bananiers cultivés à Finca Eirene, Toa Alta, Porto Rico. Les grandes feuilles des bananiers créent une canopée qui fournit de l’ombre et retient l’humidité du sol pendant les périodes sèches. Le système racinaire des bananiers contribue également à stabiliser le sol. Photo MCC/Laura Pauls-Thomas

Kelmadis plaide en faveur de la préservation de l’écosystème et de la solidarité, et s’efforce de renouer les liens entre les hommes, la terre et l’alimentation. Elle déclare : « En agroécologie, nous encourageons cette vigilance constante et l’implication des gens. »  

Elle insiste sur l’importance de cultiver des aliments locaux plutôt que de dépendre uniquement des supermarchés et des aliments importés ; ces derniers ne ressemblent souvent pas à ce qui se cultive sur l’île.  

Malgré le climat tropical qui permet aux agriculteurs de cultiver tout au long de l’année, l’île importe 85 % de sa nourriture. Les relations actuelles avec les États-Unis, ainsi que des politiques telles que la loi Jones de 1920, entravent les liens entre les Portoricains et leur terre, leur alimentation locale, leurs traditions agricoles et leurs moyens de subsistance.  

La loi Jones exige que le transport de toute cargaison à destination de territoire américain, tel que Porto Rico soit assuré par des navires américains, dotés d’un équipage, immatriculés et construits aux États-Unis. Cela crée un obstacle direct à la réception des marchandises et d’aide d’urgence en provenance de pays voisins et augmente les émissions de carbone ; les navires des pays voisins doivent faire un détour par les ports américains, comme ceux de Floride, avant d’arriver à Porto Rico.
 

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A man and woman talking on a balcony in a lush green forest
Kelmadis Pérez Rivera et Doug Day Kaufman, directeur général de l’Anabaptist Climate Collaborative, engagent une conversation sur le changement climatique. Photo MCC/Laura Pauls-Thomas

Grâce à une subvention du MCC, Finca Eirene a l’intention de construire une serre avec un système de collecte des eaux de pluie dans le courant de l’année. La serre permettra de faire pousser des tomates, des choux, du basilic, des oignons, des carottes, du gingembre et des œillets d’Inde tout au long de l’année. L’environnement contrôlé fournit une zone protégée pour la maturation des semis et augmentera l’accès de la communauté aux aliments cultivés localement. Le système de collecte des eaux de pluie, d’une capacité de 600 gallons, contribuera à répondre aux besoins de la ferme pendant les périodes de sécheresse en garantissant l’approvisionnement en eau des plantes.

Kelmadis prévoit d’inviter des volontaires à participer à la construction de la serre et d’une partie du système de collecte des eaux de pluie. Ce sera d’une opportunité éducative pour les jeunes agriculteurs agroécologiques ou les débutants, qui pourront ainsi développer leurs connaissances et leurs compétences. « Nous voyons de plus en plus de jeunes revenir à l’agriculture », affirme-t-elle.

Jean Carlos Arce, coordinateur du programme de Porto Rico pour le MCC Côte Est, déclare : « Notre soutien à Finca Eirene leur permettra de réunir la communauté autour d’un projet ; ce projet les aidera à faire face convenablement aux conditions climatiques en constante évolution sur l’île ».
Kelmadis est reconnaissante au MCC de lui avoir accordé une subvention, car « il est très difficile d’obtenir un soutien pour ce type de projet à Porto Rico ». Elle explique que le financement gouvernemental des projets agricoles est souvent limité aux méthodes agricoles conventionnelles qui impliquent des engrais chimiques et des pesticides. « Je ne veux rien de tout cela ici, » s’exclame-t-elle.
 

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A group of people walking in a forest
Le personnel du MCC et de l’Anabaptist Climate Collaborative visite Finca Eirene en mai 2024. La biodiversité de Finca Eirene crée un écosystème d’harmonie et de résilience. Photo MCC/Laura Pauls-Thomas

Sa foi en Dieu est la source d’inspiration pour ses pratiques agroécologiques. Kelmadis témoigne : « Les cieux racontent la gloire de Dieu à chaque instant. Pour moi, chaque jour est un éveil à la bonté de Dieu et un rappel du commandement de la Genèse de prendre soin de la terre. »

Les paraboles de Jésus, souvent remplies de références à l’agriculture, trouvent également un écho auprès d’elle. « Cela m’a toujours parlé. Le fait de pouvoir travailler la terre m’aide aussi à me connecter à cette petite graine et à l’approfondir. »
 

L’engagement du MCC en faveur de la préservation de la création

Grâce à des partenariats avec des organisations telles que Finca Eirene, le MCC répond aux besoins alimentaires et communautaires de base des habitants de Porto Rico. Ceux-ci sont confrontés à des difficultés dues à des siècles de colonisation et à l’intensité croissante du changement climatique.
Dans toutes ses activités, à Porto Rico et ailleurs, le MCC veut soutenir des communautés dans le monde entier qui entretiennent de bonnes relations avec Dieu, les uns avec les autres et avec la création.

La restauration écologique du campus Welcoming Place du MCC à Akron, en Pennsylvanie, vise à faire passer 70 % de l’ensemble du campus à des espèces végétales indigènes. Ainsi, le personnel, les visiteurs et les membres de la communauté locale sont de plus en plus sensibilisés à la biodiversité et à l’aménagement paysager indigène comme moyen de prendre soin de la création de Dieu.

Partout dans le monde, les partenaires du MCC œuvrent pour aider les populations à s’adapter aux défis du changement climatique. Au Rwanda, par exemple, le partenaire du MCC, Peace and Development Network (PDN), s’attaque à l’insécurité alimentaire et aux défis climatiques par le biais de l’agriculture de conservation. L’agriculture de conservation comprend le labourage minimal, le paillage et la rotation des cultures. Ces techniques restaurent la santé des sols et augmentent les rendements des cultures pour les agriculteurs, tout en aidant les communautés à trouver la stabilité dans l’incertitude qu’apporte le changement climatique.  

Le changement climatique aggrave les situations déjà difficiles pour les agriculteurs comme Kelmadis Pérez Rivera et les communautés vulnérables du monde entier. Le MCC encourage les sympathisants américains et canadiens à prendre des mesures de plaidoyer pour s’attaquer aux causes profondes du changement climatique par le biais de notre campagne Climate Action for Peace. Visitez ClimateActionForPeace.com pour en savoir plus et agir.

 

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