Construire la paix, un défi à l'échelle locale

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Peace rock

Comment nos communautés chrétiennes locales peuvent-elles contribuer à la construction de la paix dans un monde si profondément marqué par les conflits et les divisions ? Dans cet article, David Miller, professeur à l’École de théologie évangélique du Québec, l'une des organisations partenaires du MCC Québec, propose que nos communautés puissent en effet apporter une contribution substantielle à la mission de construction de la paix menée par le Christ. Le MCC Québec travaille actuellement à l'élaboration d'un programme de migration et de réinstallation basé à Montréal et ancré dans le plaidoyer et la construction de la paix. Comme l'écrit David, nous pouvons contribuer à une plus grande paix dans nos communautés de trois façons : en restant ouverts à l'appel biblique à vivre dans la paix du Christ, en adoptant une approche théologique intimement liée à la mission, et en persévérant dans notre engagement à être au service de Dieu partout où nous nous trouvons. 

Église, dans son expression locale, est un lieu de réception et de proclamation de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ qui incite à la réflexion sur l’appel de Jésus à vivre comme artisans de paix dans ce monde marqué par la guerre. La communauté de foi, au cœur de la vie quotidienne, cherche à mieux comprendre quelle est la nature de cette paix annoncée par le Ressuscité et aussi de quelles façons cette paix peut transformer les relations entre nous. De plus, l’Église locale, qui découvre et se laisse interpeller par la réalité de cette paix dans son propre parcours, cherchera à la mettre en œuvre dans son milieu par des actions concrètes.  

Pour cette démarche de réflexion, une parole de Paul dans sa lettre à l’Église d’Éphèse peut nous servir d’inspiration: « (Dieu) a voulu ainsi, à partir du Juif et du païen, créer en lui un seul homme nouveau, en établissant la paix, et les réconcilier avec Dieu tous les deux en un seul corps, au moyen de la croix : là, il a tué la haine » (Éphésiens 2, 15b-16). Saisis par la force et la beauté de l’œuvre de Dieu dans le Christ, nous qui expérimentons actuellement une diversité culturelle grandissante au sein de nos communautés de foi, sommes appelés à exercer l’accueil, l’écoute et la collaboration comme expressions de la paix du Christ. L’Église locale qui se laisse transformer de cette façon apporte un regard nouveau sur les tensions générées dans la société en réaction à la diversité. Elle occupe ainsi une position avantageuse en ce qui a trait à son action comme communauté d’artisans de paix dans son milieu.   

Théologie et mission

 

En plus de cette ouverture au message de paix dans la Bible, il existe une dimension théologique pour l’Église locale quant à sa participation à la construction de la paix dans le monde. Nourrie par les interpellations bibliques, elle se penche sur sa réception de ce message. En construisant la paix, elle se reconnait comme une communauté théologique, chargée de recevoir l’annonce de la paix en Christ et de chercher son importance pour sa vie et ses engagements. Dans ce mouvement, il est important de ne pas réduire la théologie à une simple articulation de concepts les uns par rapport aux autres. La théologie, connue et pratiquée dans l’Église locale, a pour objectif de mieux préparer celle-ci à répondre aux appels du Christ. 

La théologie est toujours liée à la mission. Selon le théologien John Franke, elle a comme but « d’œuvrer avec l’Esprit de Dieu pour la formation de communautés de témoignage qui participent à la mission, qui expérimentent l’amour de Dieu et qui s’engagent à toucher le monde avec cet amour   ». René Coste, quant à lui, voit dans le projet théologique de l’Église le développement d’une « catéchèse de la paix   » qui prépare toute la communauté à adopter des pratiques qui permettent de la construire. Cette « catéchèse de la paix » peut comprendre une réflexion écrite qui tient compte du contexte de l’Église locale et elle peut aussi trouver une expression dans la volonté d’intégrer le thème de la paix en Christ dans tous les domaines de la vie de l’Église.  

Des étapes nécessaires ?

 

L’écoute de l’appel biblique et la démarche théologique sont-elles absolument nécessaires? Ne pourrions-nous pas passer directement à l’exercice du service ? Peut-être bien, mais les étapes biblique et théologique demeurent importantes, car elles aident les membres de l’Église, individuellement et en communauté, à agir dans la foi et l’amour. Sans ces étapes, nous courons le risque d’essayer de mettre en place une paix qui se construit à partir de nos propres désirs et aspirations, ne voyant pas le monde brisé autour de nous. Ainsi, dans le mouvement biblique, l’Église est invitée à répondre à l’appel « que la paix du Christ règne dans vos cœurs » (Colossiens 3, 15). Dans le mouvement théologique, nous pouvons nous référer au souhait de Stanley Hauerwas pour l’Église : « Qu’elle soit une communauté qui essaye de développer les ressources permettant de se tenir dans le monde comme témoin du Royaume de paix   ».  

Le service de la paix

 

C’est par le service que ce témoignage biblique et théologique se réalise. Dans son livre Théologie de la paix, le théologien français René Coste parle de la « diaconie de la paix   ». L’Église locale joue à cet égard un rôle crucial. Elle aide à construire l’harmonie dans son milieu en adoptant une attitude de service et de collaboration. Son contexte spécifique – en milieu urbain, en banlieue ou en situation rurale – présente un ensemble de défis et de besoins. Dans l’effort d’y répondre, un réseau de ressources communautaires déploiera des efforts de soutien, de compassion et de renouveau. L’Église locale, enracinée dans la paix du Christ, peut apporter des appuis aux organismes de proximité, avec une attitude d’écoute. Une relation peut se construire par exemple grâce à un soutien financier et matériel et, surtout, un engagement personnel des membres de l’Église. Vivre cette « diaconie » construit la paix grâce à la solidarité, là où parfois l’Église est perçue comme peu pertinente. Elle peut agir en artisane de paix par son engagement à vivre dans l’ouverture à l’autre et à servir en faisant équipe avec des personnes d’une grande diversité d’expériences et de cultures. Il y a ici une démonstration de la paix du Christ qui peut faire avancer l’accueil mutuel et la collaboration dans le contexte local. 

De l’Église locale à la scène globale

 

Chercher à construire la paix là où nous nous trouvons nous engage dans un cheminement transformateur. Ce cheminement, qui cible d’abord l’action locale, prépare aussi les membres de l’Église à regarder au-delà des limites de leur propre milieu, vers les mouvements qui aident à construire la paix et la justice à l’échelle planétaire.