Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger

L’accueil de migrants au Mexique dans les refuges soutenues par le MCC

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Rocio Valencia Islas(left) and Victor Lampón Leon (right), are pastors at La Mano de Dios en Apoyo al Migrante (God’s Hand in Support of Migrants) in Cuauhtémoc, Mexico, a church ministry providin

Lorsque les gens lui demandent comment il a lancé son action en faveur des migrants, le pasteur Victor Lampón Leon répond qu’il sait que son histoire peut paraître un peu fantaisiste. Il y a quinze ans, il rentrait de son travail à Mexico lorsqu’il aperçut un train passer tout près. Il remarqua un groupe important de personnes, non pas à bord d’un wagon de passagers, mais dangereusement perché sur le toit du train en marche, comme on en voit souvent au Mexique.

« À ce moment-là, Dieu m’a parlé et m’a révélé que j’allais travailler avec les migrants », raconte Victor.

Cependant, à l’époque, il ne savait pas en quoi consistait le fait de les aider réellement.

« À ce moment-là, Dieu m’a parlé et m’a révélé que j’allais travailler avec les migrants »

Victor Lampón Leon

Pasteur, La Mano de Dios en Apoyo al Migrante (La main de Dieu au secours du migrant)

Il apprit que le train qu’il avait aperçu s’arrêtait dans la municipalité voisine de Tultitlán. Lui, sa femme Rocio Valencia Islas et quelques membres de leur église recueillirent donc de la nourriture, de l’eau et des vêtements et les distribuèrent aux migrants près de la gare. L’un des premiers groupes qu’ils rencontrèrent venait du Salvador et comprenait un homme plus âgé qui n’arrêtait pas de leur demander des souliers.

« Nous lui avons donné de la nourriture, de l’eau et les souliers qu’il voulait », explique Victor.

« L’homme nous dit : “vous m’avez vu nu, et vous m’avez donné de quoi me vêtir. Vous m’avez vu avoir faim, et vous m’avez donné à manger. Vous m’avez vu avoir soif, et vous m’avez donné à boire. C’est ce que dit la Bible.“ »

Depuis ce jour, Victor n’a jamais douté de sa vocation.
 

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Second from left, pastors Victor Lampón Leon and Rocio Valencia Islas prepare arepas, with migrant* residents at La Mano de Dios en Apoyo al Migrante (God’s Hand in Support of Migrants) in Cuauht
Victor Lampón Leon et Rocio Valencia Islas préparent des arepas (galette de farine de maïs) avec des migrants à La Mano de Dios en Apoyo al Migrante (La Main de Dieu au secours du migrant). Photo MCC/Meghan Mast

Aujourd’hui, lui et sa femme dirigent une église qui se consacre à offrir du répit, des soins et de l’attention aux migrants qui traversent Ecatepec, une ville située juste à l’extérieur de la ville de Mexico. Le MCC soutient le ministère La Mano de Dios en Apoyo al Migrante (La main de Dieu au secours du migrant) depuis trois ans.

L’espace dont ils disposent est petit : cinq lits superposés et un lit à une place remplissent une pièce, tandis que le reste, de la taille d’un garage pour un véhicule, accueille les services religieux, les repas, les invités supplémentaires et tout ce dont le ministère a besoin. Victor explique que le plus grand nombre qu’ils n’ont jamais hébergé était de 48 personnes, mais qu’ils en accueillent généralement entre 35 et 40. Les femmes et les enfants s’installent à deux sur les lits lorsque c’est nécessaire, transformant ainsi 11 places en 22, et l’église étend des nattes de couchage là où il y a de la place.

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Pastor Victor Lampón Leon (front left) leads a worship service at the La Mano de Dios en Apoyo al Migrante (God’s Hand in Support of Migrants) in Cuauhtémoc, Mexico, a church ministry providing ca
Le pasteur Victor Lampón Leon conduit une célébration à La Mano de Dios en Apoyo al Migrante (La Main de Dieu au secours du migrant). Photo MCC/Meghan Mast

Une femme de 48 ans, dont le nom n’est pas communiqué pour des raisons de sécurité, a dormi dans l’un de ces lits chaque nuit depuis sept mois. La procédure de demande d’asile aux États-Unis peut prendre des mois, voire des années, de sorte que les séjours prolongés au refuge sont fréquents. Elle émigre de Cuba pour rejoindre son mari qui a réussi à émigrer dans l’Iowa il y a deux ans. Elle a entendu parler de cette église par une femme qu’elle a rencontrée au cours de son voyage. Elle affirme qu’elle n’aurait jamais pu imaginer à quel point on l’a bien traitée au cours de son séjour ici.

« Ils m’ont vraiment aidée dans tous les domaines. Ils me considèrent comme leur famille », explique-t-elle. « Je n’ai personne. Je suis littéralement seule dans cette aventure. Je n’ai aucune aide. Ils m’ont aidée. Je suis tombée malade et le pasteur m’a offert son aide à tout moment, en me disant : “Vous pouvez rester ici jusqu’à ce que vous obteniez votre rendez-vous [pour l’asile]. Ne vous inquiétez pas, vous avez de la nourriture, un abri, des vêtements.“ »

Comme les migrants sont à la fois mobiles et vulnérables, il est difficile pour les agences d’en estimer le nombre total.

La plupart des estimations officielles évaluent la population migrante au Mexique à environ 1,5 million de personnes, mais il est presque certain qu’elle est beaucoup plus importante.

Les migrants d’autres régions d’Amérique latine ne sont pas les seuls à faire ce périple difficile. Des migrants du monde entier, d’Ukraine, d’Haïti, du Soudan, d’Afghanistan et d’innombrables autres pays se rendent dans ces refuges au cours de leur périple jusqu’à la frontière sud des États-Unis

Il y a dix ans à peine, il n’y avait que peu d’églises au Mexique, voire aucune, qui géraient des refuges. Mais depuis 2018, explique Victor, de nombreuses églises ont vu à quel point les refuges gouvernementaux étaient débordés et ne pouvaient ignorer l’appel clair de Jésus à prendre soin de l’étranger. Aujourd’hui, les refuges soutenus par les églises représentent un pourcentage important du secteur. 

Et pour les personnes comme Victor dans la banlieue de Mexico ou Consuelo Martinez à Juárez, il ne s’agit pas seulement de répondre aux besoins essentiels. L’abri, la nourriture et l’eau sont vitaux, mais leur ministère consiste à s’occuper des personnes qui séjournent avec eux dans tous les domaines possibles.
 

À quelques kilomètres de la frontière entre les États-Unis et le Mexique à El Paso, au Texas, dans un petit entrepôt reconverti, Consuelo Martinez commence chaque journée à 3 heures du matin. Elle et deux autres membres de l’équipe de l’Oasis del Migrante (Oasis du migrant) remplissent le petit espace de stockage entre le bureau et la cuisine avec tout l’équipement nécessaire pour préparer, frire et décorer plus de 300 beignets par jour. Elles les garnissent d’un glaçage aux saveurs de chocolat, d’érable et de noisette.

À 5 heures du matin, les beignets sont prêts et les migrants d’Oasis les récupèrent pour les vendre aux coins des rues de la ville.

Nombre d’entre eux vendent leurs produits à des coins de rue où les habitués passent tous les matins, avides de sucreries peu répandues ailleurs dans la ville de Juárez. La plupart vendent leurs produits en moins d’une heure, réalisant ainsi des bénéfices qu’ils peuvent conserver pour subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur famille.

« Nous considérons cela comme une forme d’entrepreneuriat pour les migrants, explique Consuelo. Certains d’entre eux ont un emploi, mais nous pouvons les aider en leur offrant du travail, en leur permettant de gagner de l’argent… » 
 

« … Un moyen de les bénir est de leur offrir du travail… »

Consuelo Martinez

Coordinatrice du refuge, Oasis del Migrante (Oasis du migrant)

Consuelo sait à quel point il peut être difficile de trouver un emploi en tant que migrant. Née au Honduras, elle a vécu aux États-Unis il y a une vingtaine d’années, mais sans papiers. Elle et son mari ont eu trois enfants aux États-Unis avant de divorcer. Consuelo a décidé de retourner dans sa famille au Honduras avec les enfants.

Il y a deux ans, elle a entamé des démarches pour retourner aux États-Unis avec ses enfants âgés de 17, 16 et 11 ans. Ce parcours l’a finalement conduite à Juárez, pour attendre son rendez-vous à la frontière sans savoir quand il aurait lieu. Un ami l’a présentée au pasteur Roman Dominguez qui dirige Oasis, et on l’a accueillie dans le refuge.

« Quelque chose a changé quand j’ai commencé à servir ici, avoue Consuelo. J’ai ressenti la paix en moi, comme si je m’y sentais bien et que tout allait bien ».

« Le pasteur, tout le monde, m’a dit que je me sentirais différente lorsque j’obtiendrais mon visa, mais je ne pensais pas que ce serait le cas. Le jour venu, j’ai obtenu mon rendez-vous et je suis allée aux États-Unis avec mes enfants, mais je ne me sentais pas bien, je ne me sentais pas en paix. »

La famille est donc revenue à Juárez et Consuelo a rejoint Oasis en tant que coordinatrice du refuge. Ses enfants nés aux États-Unis peuvent traverser la frontière à pied pour aller à l’école à El Paso, tandis qu’elle passe ses journées à aider les migrants qui entreprennent des parcours comme le sien. Cela ne signifie pas que c’est facile tous les jours ; même si elle se lève avant l’aube, elle n’est souvent pas couchée avant 22 heures. Toutefois, elle sait qu’elle est là où elle est censée être.

 

« Quelque chose a changé lorsque j’ai commencé à servir ici. J’ai ressenti la paix en moi, comme si je m’y sentais bien et que tout allait bien ».

Consuelo Martinez

Coordinatrice du refuge, Oasis del Migrante (Oasis du migrant)

« Je crois vraiment que je suis née pour servir, et c’est ce que je fais. Même si ç’a été difficile, cela m’a beaucoup apporté. Le fait de savoir que j’aide les autres et que je suis à leur service m’apporte beaucoup de paix. Je suis heureuse de faire ce que je fais.»

Jason Dueck est spécialiste en communication pour MCC Canada. Meghan Mast est conteuse multimédia pour MCC Canada.

Photo du haut : Rocio Valencia Islas (à gauche) et Victor Lampón Leon (à droite) rient ensemble en plein travail. (Photo MCC/Meghan Mast)

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