Pleins feux sur Margaryta

Déplacée par la guerre en Ukraine, une passionnée de chevaux se sert de son savoir-faire afin de fortifier le corps et l’âme des enfants traumatisés.

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A woman smiling standing with her hand resting on a horse

Ukraine — Jan 2024

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Avant le début de l’invasion militaire russe, notre église des Frères mennonites dans l’est de l’Ukraine a organisé des réunions spéciales pour nous préparer à l’évacuation. Lorsque l’invasion a eu lieu, nos bagages étaient déjà prêts. Nous étions 21 à faire le voyage ensemble.

Nous avions de la difficulté à croire que la guerre avait réellement commencé. Nous cherchions presque quotidiennement où aller, où nous arrêter et où rester. Il y avait un flux énorme d’évacués qui avaient également besoin de se loger.

Par moment, notre équipe éprouvait de la tristesse et alors nous sommes juste restés sur place et nous avons pleuré. À d’autres moments, nous riions simplement parce que les émotions étaient trop fortes.

Nous avons commencé à prier Dieu de nous montrer un bâtiment dans l’ouest de l’Ukraine, une maison où nous pourrions demeurer ensemble. L’un de nos responsables a reçu un appel de son

ami, qui connaissait un ami aux États-Unis qui avait des amis à Zakarpattia et qui possédait une maison. Ceux-ci nous ont permis d’y séjourner.

Lorsque nous sommes arrivés en février 2022, nous avons constaté que ce n’était ni confortable ni chic. Il était difficile d’accepter le fait que les toilettes se trouvaient à l’extérieur et qu’il n’y avait pas de chauffage au deuxième étage. Toutefois, nous étions tous ensemble pendant huit mois.

Ensuite, ma mère, ma sœur et moi avons emménagé dans notre propre logement. Il m’a fallu six mois pour me remettre juste un peu. Je pense que ces déménagements constants m’ont affaiblie. Dans l’église que j’ai commencé à fréquenter, j’étais incapable de chanter. Mon corps et mon âme avaient besoin de se remettre.

Pendant ce temps, nous avons commencé à distribuer des colis alimentaires financés par le MCC à d’autres familles déplacées, par l’intermédiaire de l’Association des Églises des Frères mennonites de l’Ukraine. Nous avons commencé à parler à ces familles, et j’ai compris que la douleur des autres était plus importante encore que la mienne.

Dieu m’a aidé à comprendre au plus profond de moi-même que même dans ces circonstances, j’avais une mission. Je suis titulaire d’une licence en réadaptation physique et d’une maîtrise en ergothérapie. J’ai commencé à éprouver un très grand désir de créer un ministère dans le cadre de ma profession et d’aider les gens à se rétablir.

Mon responsable m’a dit qu’il fallait que j’y réfléchisse et que je prie à ce sujet. J’aurais alors une idée de comment procéder.

J’ai toujours aimé les chevaux. Je suis montée à cheval pour la première fois à l’âge de 12 ans. Il s’agissait d’une promenade à cheval tranquille, mais à un moment donné, le rythme s’est accéléré et le cheval a fait plusieurs pas au trot. On ne peut pas décrire avec des mots les sentiments de joie et d’envol que j’ai éprouvés.

Vers cette époque, j’ai commencé à fréquenter l’église et j’ai donné ma vie à Christ. Je me suis rendu compte qu’un cheval est plus qu’un simple animal. Il est capable de restaurer les forces, de rétablir les émotions. L’interaction avec la création de Dieu apporte beaucoup d’émotions positives.

Plus tard, lorsque j’étais à l’université, j’ai pu monter à cheval, mais seulement quelques fois par mois, car cela coûtait très cher.

En 2022, alors que je commençais à réfléchir sérieusement à ce que serait mon ministère dans l’ouest de l’Ukraine, je savais que l’équithérapie, associée au massage, pouvait apporter de grands bienfaits au corps physique.

J’ai donc parcouru la région à la recherche d’écuries. Dans la première écurie que j’ai trouvée, j’ai suivi des cours supplémentaires et j’ai appris à m’occuper des chevaux. Des moniteurs d’équitation m’ont montré comment aider les enfants à enfourcher un cheval et m’ont enseigné d’autres détails à connaître pour associer mes compétences en kinésithérapie à l’équitation.

En octobre 2022, je me suis rendue dans des refuges ; les surveillants m’ont donné une liste d’enfants qui avaient besoin de réadaptation, et j’ai parlé avec leurs parents. J’ai payé pour pouvoir donner des leçons avec les chevaux de l’écurie. Je le faisais avec l’argent gagné en donnant des massages à des personnes souffrant de maux de dos. Certains de mes amis qui savaient ce que je faisais ont donné des fonds pour aider. Le MCC a commencé à soutenir le projet en février 2023.

De nombreux enfants de Zakarpattia cachent de profondes souffrances dans leur cœur, y compris la douleur, la peur, la solitude et le rejet. Dans chaque séance de réadaptation, on vise à restaurer la santé émotionnelle, physique et psychologique de l’enfant. On cherche également à les former à devenir des jeunes artisans de la paix.

Lorsqu’un enfant est assis sur la selle, cela l’inspire et l’aide à ne plus se concentrer sur son propre vécu, mais à envisager des réussites et des opportunités nouvelles. Tous les mouvements avant-arrière du cheval envoient des impulsions au cerveau, puis à l’ensemble du corps et stimulent tous les muscles.

Au cours du massage, je dois réfléchir à l’approche à adopter en fonction de la personne. Si une leçon a été intense et difficile, le massage détend l’enfant et le rend plus calme. Si les muscles de l’enfant se sont détendus pendant la promenade à cheval, le massage lui redonne de l’énergie.

Les enfants ont la possibilité de parler librement. Ils peuvent nous dire ce qu’ils éprouvent. Très souvent, l’enfant parle de ce qu’il a dû quitter à cause de la guerre et des déplacements. Il parle d’un animal de compagnie qui est mort. La plupart des enfants s’ennuient de leur père parce que les hommes ont tendance à vivre ailleurs pour gagner de l’argent ou protéger leurs biens. Ils parlent de toutes les atrocités qu’ils ont vues.

Parfois, les enfants ne veulent pas se lever de la table de massage et aimeraient rester plus longtemps. Parfois, les parents me demandent si je peux les masser également. J’éprouve de la joie lorsque je travaille avec les enfants, surtout lorsque je perçois des effets. Et j’aime apporter un soutien émotionnel aux parents. Parfois, j’offre un soutien par la prière.

À l’avenir, je rêve de créer mon propre centre de réadaptation, dans lequel on pourrait faire appel à d’autres thérapies de réadaptation et offrir des services à d’autres publics.

Mon expérience traumatique a été le point de départ, car moi-même, j’avais besoin de ce genre de soutien. Mon expérience m’aide à comprendre les gens et à les aider.

Diplômée en réadaptation physique et en ergothérapie, Margaryta est actuellement basée dans l’ouest de l’Ukraine. Pour des raisons de sécurité, nous ne citons pas son nom au complet.